Illa J, l’album

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John Derek Yancey fêtera ses trente ans l’année prochaine. Rappeur, chanteur, producteur et compositeur multi-instrumentiste, Illa J à notamment été l’un des membres actifs de Slum Village jusqu’en 2014, et il est le plus jeune frère du producteur légendaire J Dilla, disparu en 2006. De passage à Paris nous l’avons rencontré avant sa chaleureuse prestation au bar Le Mellotron

Né à Detroit Illa J est exposé très jeune à la musique grâce à sa famille. Quand son frère fait du beatmaking au sous-sol, le groupe “a capella” de ses parents répète dans le salon ; son père écrit aussi pour Motown Records. Yancey rejoint la chorale de l’église à l’âge de six ans, enregistre son premier rap à 13 ans, lorsqu’il écrit son premier poème à côté de son frère. Après le décès de J Dilla en 2006, Illa J entame un tour du monde consacré aux enregistrements d’une série de projets liés à son frère.


Après deux EPs, trois albums collaboratifs et un album solo en 2008, il sort un nouvel album solo réussi et bien joliment produit. On y découvre un Illa J très à l’aise, tant dans son ouverture musicale (“Universe” ; “Sunflower feat allie”) que dans le son de ses racines classiques de Detroit (“French Kiss” ; “Perfect Game”). Et “Never Left”, somptueux hommage à son frère, clôture ce disque brillamment, tout en émotion !

 

 

Interview.

 

Cyprien Rose. La genèse de ce deuxième album solo est liée à ton déménagement pour le Canada ?

Illa J. Oui, j’ai enregistré le disque à Montréal. Pour moi c’est une sorte de re introduction en tant qu’artiste solo, parce que lorsque mon premier disque est sorti en 2008, ce n ‘était pas seulement Illa J, mais Illa J sur les rythmes de J Dilla, en fait c’était davantage le petit frère de J Dilla sur les rythmes de J Dilla… Mais pour ce nouveau projet c’est j’ai vraiment le sentiment que c’est davantage Illa j ! Alors évidemment il y aura toujours une connection avec J Dilla, puisque c’est déjà mon frère en dehors de la musique, et puis je n’ai aucun problème avec le fait de le représenter jusqu’à la fin de ma vie. Mais j’avais très envie de saisir l’opportunité de m’exprimer en solo, juste moi avec mon propre projet, et je pense que ce projet s’inscrit clairement dans ma démarche, et j’en suis très heureux. Il y avait un croisement sur mon chemin et je crois avoir enfin trouvé la route qu’il me fallait prendre, afin de montrer au public ce que je représente en tant que musicien, et pas seulement dans le hip-hop. Je suis d’abord un chanteur, le rap est venue plus tard dans ma vie, et je navigue dans plusieurs registres musicaux, mais ce projet est vraiment mon nouveau chapitre !

Partir de Detroit c’est donc effectuer une transition en douceur. Mais si Illa J n’oublie ni ne renie rien de son passé, il ouvre définitivement la porte a de nouvelles rencontres. À Montréal il collabore avec la crème des producteurs Canadiens comme Moka Only, Kaytranada mais aussi les Potatohead People. Le succès de leurs précédentes collaborations incite la petite équipe à entrer en studio pour travailler sur le nouvel album solo éponyme d’ Illa J, afin de présenter un son nouveau et produit sans échantillons.

Cyprien Rose. La rencontre avec Potatohead ?

Illa J. J’avais déjà rencontrés les Potatohead People auparavant mais séparément. En fait c’est à Montréal que je les ai rencontré ensemble pour la première fois et que l’on a commencé à travailler. Maintenant je vis la bas, j’aime beaucoup. Il y a des points communs avec la France et l’Europe, par exemple je trouve le public européen plus ouvert d’esprit, ça colle bien avec mon style parce que je ne suis pas seulement un rappeur, et lorsque je chante c’est plutôt bien accueilli. J’ai été chanteur avant de rapper, j’ai d’abord commencé à chanter à l’église, j’ai aussi chanté avec mon père, chanté du jazz… Le chant restera toujours mon premier amour, et je sens que ce nouveau disque m’ouvre une nouvelle porte, comme de davantage chanter sur mes prochains albums. J’ai besoin d’avancer, et d’évoluer dans ce sens, comme pour le titre “Universe” par exemple, mon chant est plus funky, ou encore “Sunflower feat a l l i e” (de Toronto), c’est également une chanson qui me donne la possibilité de sortir des schémas dans lesquels j’évoluai avant.

 

 

Sur ce parcours jalonné de rencontres il croise la route de Robert Glasper avec qui il collabore lors d’un concert hommage à Miles Davis. Une rencontre qui donne naissance à de nouveaux projets…

Illa J. Avec Robert on travaille sur une chanson qu’il va produire pour moi en featuring avec Bilal ! Je ne suis pas encore certain de la date mais cela devrait sortir avant le deuxième trimestre 2016. En fait, deux jours après voir tourné le clip vidéo de “Universe” et un jour avant de partir pour Los Angeles, j’étais un peu fatigué, je chillais, lui était encore au Japon à cette époque, il m’a contacté genre : tu fais quoi ? j’aimerais bien qu’on bosse ensemble sur un titre. J’étais super excité qu’il ait cherché à me joindre, en plus Robert est de loin l’un des mecs les plus cool que j’ai jamais rencontrés dans ce milieu, et tellement talentueux !

L’héritage de J Dilla est singulier, jusqu’à dépasser l’aspect musical. Cela fait presque dix ans qu’il nous a quitté mais le faiseur de pépites sonores n’est jamais bien loin. De nouvelles choses sortent plus ou moins régulièrement, certains surfent peut-être même un peu sur son nom, pour Illa J, ce n’est que de l’amour…

Illa J. Oh, je suis juste heureux de voir l’amour que les gens lui portent ! Il a travaillé si dur pour réaliser son oeuvre. Ses débuts n’ont pas vraiment été simples, et c’était même plutôt difficile car pas mal de gens ne comprenaient pas très bien ses sons et où il venait en venir. Certaines personnes disaient de lui qu’il était un génie au même moment ou d’autres s’en moquaient ! Aujourd’hui je constate qu’on lui porte tant d’amour et de respect, qu’on le mentionne comme l’un des meilleurs producteurs toutes périodes confondues, je pense que ce n’est que de l’amour. C’est une bonne chose et j’aurai tellement aimé qu’il puisse être là physiquement pour voir comment les gens ont finalement accepté et compris sa musique, pour constater qu’il a définitivement gravé son nom et son esprit !

 

 

 

Cyprien Rose. Punk, rock, disco, hip-hop ou encore  techno, nombre de talents sont nés à Detroit ! Quelque chose à dire sur la musique électronique, et plus précisément la techno ? Une envie de  featurings avec les musiciens technos de Detroit ?
Illa J. Tu sais quoi, j’écoute beaucoup de musique House et Techno ! Ils en jouent beaucoup à la radio, j’écoute souvent des mixes. J’ai grandi avec ces musiques et d’ailleurs le tout premier beat que j’ai créé, un truc rapide et groovy, ressemblait davantage à un rythme house. Un featuring pourrait être quelque chose de super mais je n’en suis pas encore là, chaque chose en son temps. Mon nouveau disque est le premier sur lequel j’explore des choses un peu différentes, comme pour le titre un peu funky “Sunflower feat allie”, qui comporte des influences house music. Mes albums à venir seront ouvert à différents styles et il y aura probablement des expériences plus technos.
Cyprien Rose. Dernière question, quelle est ta plus grande ambition dans la vie ?
Illa J. Je veux faire évoluer mon boulot aussi loin que je le peux, c’est le truc le plus important. Ne jamais arrêter d’enregistrer et faire en sorte qu’a chaque fois que j’ai l’impression d’être arrivé au bout, de toujours me remettre en question pour avancer jusqu’au prochain, à mon rythme. Je veux juste montrer que l’on peut avancer en laissant les choses derrière nous, vivre avec le fait que nous sommes tous infini. Avec mon expérience de ne jamais arrêter de faire de la musique, d’être meilleur à chaque fois, être un exemple pour montrer qu’il n’est jamais trop tard pour y arriver. Chacun se démarque avec un truc, un style, et certains vivent plus longtemps que d’autres, mais s’il y a bien une chose qui nous unit c’est que l’on doit tous grandir, et donc devenir meilleur. Je pense que la seule chose que l’on se doit de faire est de ne jamais arrêter de devenir meilleur.

Fondateur de Houz-Motik, coordinateur de la rédaction de Postap Mag et du Food2.0Lab, Cyprien Rose est journaliste indépendant. Il a collaboré avec Radio France, Le Courrier, Tsugi, LUI... Noctambule, il œuvre au sein de l'équipe organisatrice des soirées La Mona, et se produit en tant que DJ. Il accepte volontiers qu'on lui offre un café...

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