Figure discrète de la scène électronique de Munich, Skee Mask livre E, une nouvelle compilation de onze pistes inédites et non masterisées, gravées entre 2016 et 2021. Sorti le 1er août 2025, ce cinquième volume alphabétique — après D (octobre 2024), C (janvier 2024), B (décembre 2022), A (mars 2022) — semble murmurer des bribes d’un passé intime, prêt à se dévoiler dans une forme crue, brute, toute de texture
Sous son pseudonyme Skee Mask, Bryan Müller délivre un fragment de ses archives sonores. L’ensemble, sans fioritures, propose une expérience intime entre ambiance et bits désynchronisés. Ce jeune producteur allemand de techno, né en 1993 à Emmering, près de Munich, nous invite à revisiter ses travaux, plus mûrs, sous un jour plus brut, plus fragile, mais étrangement libérateur. E ne cède à aucune tentation de polissage : il s’offre brut, tactile, viscéral. Une œuvre à l’état naissant, une confidence tenue en suspens. Pour peu qu’on s’y abandonne, c’est un voyage sonore qui, doucement, vous habite…
Archéologue du son

E ne se contente pas d’être un simple lot oublié : il agit comme un portique vers un monde intérieur. Une œuvre qui repose sur l’espace, les textures non façonnées, l’épure. Chaque piste « non masterisée » devient une esquisse intime, presque vulnérable. Alphabétique certes, toutefois éloigné du dogme. La série A, B, C, D, E impose une logique d’archiviste, un alphabet de la mémoire sonore. Pourtant, cette méthode déconstruit le récit traditionnel d’un album : c’est l’accumulation fragmentaire qui devient l’émotion.
« I just don’t get positive energy from [streaming] companies, and I wanted to send a message to other artists that they didn’t have to put their music on these platforms. » — Skee Mask, à propos de sa décision de ne pas distribuer Pool sur les services de streaming
Registre contrasté, continuité fluide

Ce E fait écho à la dualité retrouvée chez Skee Mask — entre violence club (cf. ses EPs ISS005 / ISS006) et atmosphères flottantes. Les bruits bruts ici sont teintés de la même mélancolie hallucinée qu’on retrouvait dans C ou Compro, ou encore la chaleur réconfortante de Resort. Une fenêtre pour auditeur averti : ni critique ni mashup formaté, E est un espace de respiration et de contemplation. On perçoit l’artiste se retirer, mais laisser parler sa main — un geste nu, sincère, presque surnaturel. Pour l’auditeur attentif, c’est une offrande, un instant suspendu.