Maxence Cyrin, Novö Piano II

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Artwork © Matthieu Delahaie

Maxence Cyrin métamorphose des standards pop, rock ou électro en mues d’une saison passée. Avec Novö Piano II, le pianiste présente sa nouvelle collection de pépites issues de l’atypique et précieux filon qu’il exploite avec finesse depuis Modern Rapsodies.

De formation classique, fan de pop et de musiques électroniques, Maxence Cyrin compose et enregistre depuis la fin des années 80. Entre le conservatoire et les raves party il sort quelques maxis pour Rave Age, Superstition et PCP. Il rencontre Eric Morand et Laurent Garnier, et Modern Rapsodies, son premier disque de reprises, intègre le catalogue de FCommunications en 2005. Lorsqu’il envisage un second album de reprises, il en parle à Marc Collin qu’il croise à Calvi On The Rocks, c’est l’époque de Nouvelle Vague et de leurs covers de titres New Wave…
 
Je me suis dit que cela allait peut-être l’intéresser, et bingo ça a matché tout de suite ! Pour la petite histoire, “Where Is My Mind” (Pixies, 1988) ne devait pas figurer sur la track list, on l’a ajouté en dernier. C’est pourtant ce morceau qui continue de marcher, encore récemment avec une synchro (ndlr: illustration musicale, le fait d’illustrer des images avec de la musique, films, pub, etc…) pour la série « Mister Robot« , un projet assez fou décrit par certains comme le « Fight Club » de la “génération Y”. C’est très sombre et apocalyptique, mais c’est une super série, je suis très content d’y être associé. Ma musique arrive à la fin d’un épisode, à un moment clé (…) on entre dans une salle de jeu vidéo qui s’allume avec des flippers, ma musique est en fond sonore, j’adore !

 

Si Maxence Cyrin à un faible pour les reprises, il aime également s’exprimer avec ses propres compositions. Il sort alors deux albums, mais en dépit de leur qualité ils ne fonctionnent pas comme il l’aurait souhaité. 

Pour « The Fantaisist » (EOS Records, 2012), cette BO imaginaire, conceptuelle et invendable, un jour quelqu’un a écrit sur les réseaux sociaux : « go back to piano solo », et plein de gens ont “liké” ! Parfois le public peut vraiment être un ayatollah… En ce qui concerne Nocturnes (Evidence Classics, 2015), la promo a été catastrophique ! Je pensais avoir fait un gros flop, je me suis inscrit sur Spotify et j’ai constaté que « A tale from the past » (Nocturnes) est tout de même à plus de 500 000 écoutes. De son côté « Where is my mind » (Novö Piano) est à plus de 4 000 000 d’écoutes ! En fait j’ai toujours eu une promo en France alors que cinquante pour cent de mes ventes se situent aux USA, un territoire encore inexploré pour moi…
 
Maxence Cyrin envisage donc un troisième disque de reprises, mais pas à n’importe quelles conditions…
 
Je n’ai pas fait un disque de reprise juste pour faire un disque de reprises. Peut-être que des gens auraient aimé que je reprenne Pharell Williams et va savoir, peut-être qu’un jour je ferai les tubes du moment… Ce qui fonctionne c’est des choses très minimalistes. Les années 80s ça marche bien, la techno aussi, par son aspect répétitif, déjà tu n’a pas à retranscrire la voix, c’est moins compliqué. Je pourrai très bien faire un Modern Rapsodies II ce serait plus simple, reprendre de la french touch par exemple. Mais dès que cela fait trop piano-bar je jette. Il ne faut pas que cela soit trop mainstream, le mainstream ça peut devenir viral et marcher mais il faut savoir le faire. J’ai travaillé sur plein de titres et certains ne fonctionnent pas. Par exemple ça fait des années que j’essaie de faire une cover de Joy Division, et je n’y arrive pas encore, il faut trouver le ton juste en fait.
 
Avec ne pas “brader le disque” comme leitmotiv, il déniche les “bons morceaux” dans sa discothèque de coeur. Les titres ne sont pas tous dans l’air du temps, ainsi “Hyperballad” de Bjork cottoie “Jesus Blood Never Failed Me Yet” de Gavin Bryars.
 
C’est un morceau de musique répétitive contemporaine que j’adore, super beau, un morceau avec des cordes et un sample d’un clochard qui chante comme ça… (il entonne alors “jesus never failed”). J’ai repris la mélodie pour en faire ma version et c’est peut-être le titre dont je suis le plus fier sur ce disque !
 
Maxence Cyrin © Julien Taylor
 
Maxence Cyrin travaille à l’oreille, il pratique la dictée musicale. Certaines reprises lui demandent du temps, notamment dans les transcriptions. Plus à l’aise dans son jeu il peaufine son oeuvre et se permet davantage de complexité dans l’interprétation. Ses adaptations et ses arrangements revendiquent même une notion de fidélité, et un certain “Chopinisme”.
 
Je pense être plus fidèle qu’avant. Par exemple pour Bjork et Glodfrapp je suis resté fidèle à toute la mélodie de la voix, ce qui n’est pas le cas habituellement car la plupart du temps si tu restes trop fidèle à la mélodie du morceau ça ne marche pas au piano, tu es obligé de simplifier, il y a trop de répétitions et il y a aussi des reprises qui n’ont aucun intérêt. J’ai un peu le même procédé que Chopin, je prends la mélodie et je trouve l’accompagnement qui convient. Lui s’inspirait de mélodies d’opéra et faisait souvent des mélodies accompagnées, c’est ce que l’on a adoré et ce que l’on a détesté chez lui, les critiques lui reprochaient de ne pas faire de la musique construite comme du contrepoint, et considéraient qu’il faisait de la musique de salon. Mais au final on s’est rendu compte que c’était un génie (…) J’ai donc été très fidèle avec Goldfrapp, mais l’originalité tient aussi du tracklisting parce qu’il n’y a pas beaucoup de pianistes qui reprennent du Goldfrapp (rires).
 
 
Parmi les dix reprises de Novö Piano II deux sont accompagnées de voix. Si la première, “Walking In The rain” (Flash and the Pan, 1978), installe le phrasé de Miss Kittin au rang de conteuse mystique contemporaine, la seconde, avec Frantic, offre à “Eyes without a face” de Billy Idol (1984) une cure de jouvence dans la sainte chapelle de la sensualité, un titre intime et subtil.

Ça fait longtemps qu’on avait en projet de faire cette chanson avec Frantic. C’est un aboutissement, c’est d’ailleurs une des belles rencontres que j’ai pu faire sur « myspace » ! Frantic est quelqu’un qui adore les années 80, son nom fait d’ailleurs référence à un film de l’époque. J’adore sa voix, je trouve qu’il a une voix assez proche de Bryan Ferry. On avait vachement envie de travailler ensemble, on a essayé cette reprise et c’était magique ! C’est passé tout de suite et je suis très content. Pour le titre avec Miss Kittin, j‘ai fait l’adaptation du morceau et je me suis dit que ça lui irait bien, je lui ai fait écouté et elle m’a dit : « j’adore cette chanson ! ». À l’origine c’est Flash & The Pan, mais j’ai d’abord connu ce titre par la version de Grace Jones (…) Son interprétation c’est la grosse classe.
 
 
Les projets ne manquent pas, Maxence Cyrin souhaite passer plus de temps en studio, notamment pour développer son identité sonore et préparer d’autres disques, dont peut-être, un Novö Piano III
 
Je ne sais pas encore ce qui va se passer après mais j’ai pas mal de reprises en stock, comme Neon Lights de Kraftwerk, c’est très beau… (il chante le titre). C’est un morceau qui me plaît beaucoup et qui fonctionne bien en reprise. Je pourrai faire un album complet sur Kraftwerk, c’est tellement mélodique et minimaliste.

 
Néanmoins, j’essaierai d’aller plus loin dans le développement, pas dans le jazz car ce n’est pas mon univers mais plus vers le classique, avec des contrepoints et davantage de romantisme. C’est ce que j’ai fait pour “Jesus Blood Never Failed Me Yet”, j’ai fait un contrepoint très libre, c’est plus vers cela que je me vois aller. Un jour quelqu’un m’a envoyé un mail qui s’appelait : « capturing the emotion ». Je trouve que sa vision est assez juste, ma démarche pourrait se résumer à cela. Quand je prends un morceau pour en faire une cover, j’essaie d’en capturer l’émotion. J’évoque la chanson comme quelqu’un qui fait des miniatures évoque un objet. Ma démarche, complètement sincère, c’est émouvoir, c’est retransmettre à ma manière l’émotion que j’ai eu.
Maxence Cyrin – Novö Piano II, Evidence Classics, 2015.

Fondateur de Houz-Motik, Cyprien Rose est journaliste. Il a été coordinateur de la rédaction de Postap Mag et du Food2.0Lab. Il a également collaboré avec Radio France, Le Courrier, Tsugi, LUI... Noctambule, il a œuvré au sein de l'équipe organisatrice des soirées La Mona, et se produit en tant que DJ.

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