Le cofondateur de Soft Cell s’est éteint à Londres le 22 octobre, à l’âge de 66 ans. Derrière le succès planétaire de Tainted Love, Dave Ball aura traversé quatre décennies d’électro sans jamais se trahir : des marges queer de la new wave jusqu’aux pulsations acid-house, il laisse un héritage dense, sensoriel, mélancolique ; une façon rare de faire parler les machines
Dave Ball, cofondateur de Soft Cell aux côtés de Marc Almond, est décédé à Londres le 22 octobre 2025, à 66 ans. Figure essentielle de la pop électronique britannique, il a traversé quarante ans de musique, des marges queer de la new wave aux raves acid-house, en restant fidèle à son goût du risque, de la mélancolie et du groove. De Tainted Love à The Grid, des synthés analogiques aux clubs en transe, Dave Ball a toujours cherché à faire danser les émotions. Plus qu’un producteur, il fut un sculpteur de sons, un artisan du sensible. Son œuvre, oscillant entre ombre et lumière, continue de résonner comme une pulsation humaine au cœur des machines…
Un ingénieur sentimental

Né à Chester le 3 mai 1959, élevé à Blackpool, Dave Ball grandit dans les ondes électriques des années 70. Il bidouille des amplis, écoute Kraftwerk, construit son propre univers sonore. À Leeds Polytechnic, il rencontre Marc Almond : deux tempéraments que tout oppose, mais que la fascination du bizarre réunit. Ensemble, ils fondent Soft Cell en 1978. Leur alchimie, la voix dramatique d’Almond et les textures froides de Ball, devient la signature d’une époque. L’électro s’y mêle au cabaret, la new wave aux néons des clubs. Et dès 1981, Non-Stop Erotic Cabaret propulse leur univers dans la lumière trouble du succès.
Provocation, marge et liberté : Tainted Love fait d’eux des stars, mais Ball ne cherche pas la gloire. Il sculpte, programme, désosse les machines ; il injecte dans la pop une tension permanente entre désir et désenchantement. Soft Cell incarne la marge visible : queer, subversive, romantique. Leur musique parle d’obsession, de solitude, de plaisir interdit, bien avant que la pop n’ose ces mots. This Last Night in Sodom (1984) clôt le cycle : la fête s’effondre, les corps s’épuisent. Le duo se sépare, mais Dave Ball reste fidèle à la nuit.
« At any given moment, someone somewhere in the world will be getting pleasure from a Soft Cell song. Thank you, Dave, for being an immense part of my life and for the music you gave me. » – Marc Almond (Pitchfork)
Renaissance dans les clubs

Loin de disparaître, il fonde The Grid avec Richard Norris. Les années 90 s’ouvrent sur un autre âge : celui des raves, des beats étirés, des machines libérées. Le single Swamp Thing (1994) devient un hymne étrange, country-acid et futuriste. Ball produit, remixe, collabore (Kylie Minogue, Erasure), toujours entre underground et pop. Il n’a jamais cherché la posture : juste le bon son, la bonne sueur, le bon vertige. Chez lui, la technologie ne tue pas l’émotion, elle la décuple. Derniers éclats… En 2022, un grave accident le laisse hospitalisé des mois durant. Il revient pourtant sur scène en fauteuil, pour achever un dernier disque de Soft Cell, Danceteria, référence directe aux nuits new-yorkaises des 80s.
Jusqu’au bout, Dave Ball a continué de programmer des émotions dans les circuits : pulsations, nappes, chutes et résurrections. Une vie entière passée à transformer la mélancolie en rythme. Dave Ball fut un artisan — pas une idole. Il aura prouvé qu’on peut faire danser la douleur, rendre la machine sensible, donner un visage au son synthétique. Aujourd’hui, dans les clubs, les bars ou les chambres où vibre encore Tainted Love, il reste ce souffle discret, ce battement persistant : celui d’un cœur électronique, toujours en train de jouer.


