Six pistes. Pas de narration, pas de chaleur inutile. Red Disc avance à pas comptés, comme un souvenir qu’on manipule trop longtemps. Ce n’est pas un disque aimable ; c’est un disque qui observe
Projet semi-autobiographique signé Ozor Ozor, Red Disc s’écoute comme une série d’empreintes mentales : gestes courts, répétitions contrôlées, piano fantôme passé au filtre de la machine. Oz Oz est un artiste multimédia et cybernétique basé à Naarm (Melbourne), en Australie, son discours parle de mémoire et de réalités parallèles ; la musique, électronique, elle, reste froide. Et c’est là que le disque tient…
Études pour machine sensible

Il faut oublier l’idée de morceaux. Red Disc est une suite d’études, au sens strict. Attaques sèches, registres majoritairement médium-grave, peu de sustain. Le toucher est mécanique, presque administratif. Les motifs reviennent, se déplacent à peine, comme si chaque variation était volontairement bridée. Le silence compte autant que la note. Rien ne déborde.
• À lire aussi sur Houz-Motik : Memotone taille son jardin sonore
La formule est risquée, mais exacte : like piano music, but for a computer. Le clavier est là, le geste aussi, mais l’émotion directe est tenue à distance. Pas de lyrisme, pas d’emphase. Le son est propre, resserré, parfois austère. À l’écoute prolongée, une forme d’hypnose s’installe, pas douce, plutôt persistante. On reste, parce que quelque chose insiste.
« (…) it was more on the order of a vision, a glimpse of absolute reality (…) the mental disturbance had come out of that. » — Philip K. Dick
Mémoire instable, réalité fissurée

Les références à Philip K. Dick et Patricia Highsmith ne servent pas de mode d’emploi. Elles flottent. Dick pour la fracture du réel, Highsmith pour la tension feutrée. Mais sans fièvre mystique, sans corps en danger. Ici, le trouble est cérébral. Le disque parle de souvenirs, mais refuse l’émotion qui va avec. Un objet qui ne rassure pas. Le texte promo évoque total recall et martian time slip. La musique, elle, ne valide rien. Elle répète. Elle teste. Elle use légèrement. Le disclaimer Red Disc is safe™ when taken as directed sonne comme une ironie sèche : l’effet n’est pas immédiat, mais cumulatif. À la longue, la froideur devient le sujet. Red Disc ne cherche pas l’adhésion. Il laisse une trace nette, mais sans explication. Un disque qui reste dans la tête, pas comme un souvenir vécu, plutôt comme un souvenir implanté.
Voir cette publication sur Instagram



