Photo de l'album E

Avec E, Eliana Glass façonne un piano de l’intime

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Eliana Glass explore un territoire intime et vibrant, entre piano minimaliste, ballades jazz expérimentales et souvenirs éphémères. E est un premier album somptueux et hors du temps, paru le 25 avril 2025 chez Shelter Press

Eliana Glass dévoile une œuvre à la fois poignante et insaisissable. Pianiste, chanteuse et compositrice, Glass oscille entre une recherche musicale décalée et une émotion à fleur de peau, portée par un piano qui semble surgir d’un autre monde. Chaque mélodie trace son propre royaume, intime et douloureux, en condensant des éclats de vie et de souvenirs ; découvrez E, son premier album paru chez Shelter Press…

E par Eliana Glass

Photo Eliana Glass
Eliana Glass © Camille Vivier

Née en Australie, élevée à Seattle et installée à New York, Eliana Glass a très tôt développé un rapport viscéral à la musique. Dès l’enfance, elle joue et chante à l’oreille, trouvant refuge sous le piano familial. De cette expérience fondatrice, E conserve une sensation d’abri : un monde où les voix intérieures murmurent des vérités éphémères, où la musique devient mémoire. Formée au chant jazz à la New School, au contact de figures comme Andrew Cyrille, Ben Street ou Kris Davis, Glass a d’abord arpenté les sentiers classiques du jazz, avant de puiser son inspiration du côté des artistes les plus libres — Ornette Coleman, Asha Puthli, Jeanne Lee. Cette double filiation se ressent tout au long d’E, qui respire autant l’élégance minimaliste que l’expérimentation sensorielle.

Chaque mélodie est son propre royaume, unique et douloureux.

L’album est traversé par une série d’hommages discrets : Dreams, reprise majestueuse d’Annette Peacock ; Sing Me Softly the Blues, relecture minimaliste d’un standard de Carla Bley ; ou encore Emahoy, clin d’œil émouvant à la pianiste éthiopienne Emahoy Tsegué-Maryam Guèbrou. Mais la force de Glass est d’intégrer ces références dans un langage totalement personnel, tactile, naturaliste. Accompagnée par Francis Harris (Public Records) à la production et Bill Skibbe (Shellac, Jack White) à l’ingénierie du son, Eliana Glass a sculpté E sur quatre années, entre Nashville, Brooklyn, Memphis et Benton Harbor. L’utilisation d’équipements analogiques rares (chambre d’écho des années 60, Cooper Time Cube, micros à ruban vintage) confère à l’album une texture chaleureuse et vibrante, où bruissements électroniques, percussions discrètes et synthés vaporeux s’entrelacent autour de la voix grave et envoûtante de l’artiste.

Un univers sonore tactile et émouvant

Chaque chanson semble incarner un fragment de vie : la ballade haletante Shrine, la méditation désincarnée de On the Way Down, la troublante Good Friends Call Me E, ou encore Flood et Solid Stone, superbes miniatures pour piano-voix. Sur Human Dust, adaptation d’un texte conceptuel d’Agnes Denes, Glass résume la trajectoire humaine en quelques souffles graves. Derrière la douceur de son interprétation, E porte un sentiment diffus de désintégration, de fuite du temps.

Pourtant, au fil des écoutes, ce sentiment laisse place à quelque chose de plus vaste : une quête d’émotions pures, de connexions invisibles. Une recherche musicale au sens le plus noble — comme si, à travers chaque note, Eliana Glass nous rappelait que « la vie est si excitante, si vous cherchez », pour reprendre les mots de Karin Krog. Avec E, Eliana Glass signe un premier album bouleversant de justesse et d’ambiguïté, un trésor intime à découvrir patiemment, au croisement du jazz, de la poésie et de l’avant-garde.

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