Le producteur de Richmond poursuit sa série culte LewseJoints avec un 17ᵉ volume. Fidèle à sa méthode : beats fragmentés, boucles hypnotiques, atmosphères jazzées, Ohbliv livre onze nouvelles pièces qui confirment son statut d’alchimiste discret du hip hop instrumental
Avec LewseJoints 17, Ohbliv installe une nouvelle déclinaison de son laboratoire sonore : nappes ambient, échantillons soul déconstruits, batterie feutrée et basses minimales. Un disque court mais dense, qui s’inscrit dans la continuité de la série, tout en déployant des ambiances plus méditatives. À la croisée des beat tapes de Madlib, de l’épure lo-fi et des dérives cosmiques, ce projet de série LewseJoints est autant une archive de fragments, qu’une revendication de liberté…
Le poids d’une série !

Depuis plus d’une décennie, Ohbliv construit LewseJoints comme une chronique personnelle. À chaque volume, des esquisses instrumentales deviennent autant de mini-mondes. Paru le 30 septembre 2025, LewseJoints 17 ne déroge pas à la règle : onze morceaux, titres brefs mais significatifs (Play To Win, Generation Traps, Contradictions, Remember The Source). Ce sont moins des « chansons » que des polaroïds sonores. En fait chaque beat suggère plus qu’il n’impose, chaque boucle ouvre un espace de projection intime. Une thérapie cosmique ? « Oddly hypnotic, mesmeric… cosmic sound therapy for generations » : cette formule résume bien l’effet produit. L’écoute est immersive, presque méditative. Les rythmiques restent discrètes, parfois réduites à une pulsation minimale, tandis que les samples se déploient comme des voiles. Le hip hop n’est pas ici une énergie frontale mais une respiration, un état d’attention flottante.
« It’s about finding rhythm in fragments, letting the loop breathe and live on its own. » — Ohbliv
Entre jazz et soul, fragments recomposés

Ohbliv s’inscrit dans une lignée où Madlib, Dilla ou Knxwledge ont ouvert des brèches : travailler la mémoire musicale comme matière malléable. On reconnaît des bribes de soul, des éclats de jazz, mais tout est filtré, fragmenté. Ripples To Waves ou Choose Your Battles laissent affleurer des harmonies chaudes sous des textures granuleuses. Loin de la démonstration, c’est une pratique du détail : laisser parler l’imperfection, comme si chaque craquement de vinyle avait son rôle à jouer. L’art du fragment : on peut reprocher à Ohbliv cette tendance à la brièveté : certains beats s’achèvent au moment où l’on voudrait qu’ils se déploient. Mais c’est aussi la marque de fabrique de LewseJoints : une écriture fragmentaire, à la limite du journal intime sonore. Plutôt que de bâtir des fresques, il assemble des esquisses qui, mises bout à bout, dessinent un paysage mental. L’auditeur navigue entre rêverie, groove discret et introspection. Une phrase qui éclaire parfaitement LewseJoints 17 : la boucle comme organisme vivant, le fragment comme monde entier. Ce disque n’est pas une rupture mais une nouvelle étape, une invitation à ralentir, à écouter les interstices. Dans le flux saturé des productions hip hop, Ohbliv trace une ligne discrète, presque clandestine, celle d’une musique qui soigne, apaise, et fait du fragment une philosophie.