Sound Pellegrino célèbre un heureux évènement ! Annoncé comme la plus grosse sortie du label, le cinquième volet de la série SND.PE présente vingt titres inédits, c’est aussi le premier CD mixé par la Sound Pellegrino Thermal Team ! Vous cherchiez une passerelle vers le futur ? Ne manquez pas celle-ci
Sortie le 8 janvier, la cinquième compilation du label indépendant Sound Pelegrino est un CD mixé par Teki Latex et Orgasmic. Les DJ ont sollicité leurs “artistes maison”, mais aussi des copains et des proches. Si le label fait du développement sur des artistes comme Mathias Zimmermann, il n’est pas avare de “one shot” pour d’autres musiciens, certains sont signés sur d’autres labels (Murlo chez Mixpak, Loom chez Gobstopper…), et pour ce projet tous signent un morceau inédit.
Le Mix CD selon Teki Latex ? “Il s’agit de la création d’une pièce cohérente, faite de morceaux incohérents qui pourraient convenir ensemble, comme pour un Tetris, où chaque brique est créée par un artisan différent dans un endroit différent, avec différents outils et un contexte différent”… Difficile de faire mieux en matière de pitch car c’est exactement ce que l’on ressent à l’écoute du disque. Si le duo de DJ maîtrise parfaitement son sujet en public, il ne se prive pas de pimenter le niveau sur CD, endossant tour à tour le rôle de maître d’ouvrage et de maître d’oeuvre.
Le truc en plus : du sur mesure
En soirée, Teki Latex et Orgasmic font appel à des morceaux que les gens connaissent, avec bien sûr une part d’improvisation. Dans un Mix CD les morceaux sont par essence mixés, superposés avec d’autres. Si dans l’énergie, dans les couleurs musicales et dans le style, ce mixe est fidèle à ce qu’ils font en club, le projet se démarque par le fait qu’ils ont construits le tracklisting d’une manière singulière. Soit en piochant un inédit dans le catalogue de leurs protégés, soit en invitant les artistes à respecter un “cahier des charges” : créer un titre mélodique ou rythmique, jouable, sans trop de couches, de 130 ou de 140 BPM, soit élaborer la matière qui permet de construire le DJ set.
Les titres des morceaux sont-ils une image brute qu’ils se font de leur propre création ? Est-ce toujours la première idée venue ? Se laissent ils aller à des métaphores, ou à des moments de leur vie ? Est-ce un mixe de tout cela ? Si cela peut-être amusant d’avoir une anecdote des artistes quant au choix de leur titre, un peu à la façon du chanteur complice qui, avant de jouer un morceau, raconte l’histoire et chuchote enfin : “voici donc …”, ce n’est pas indispensable pour savourer SND.PE VOL.05. Nombreux sont les artistes à clamer que leur oeuvre ne leur appartient plus dès qu’elle est soumise au public. Le jeu n’est donc pas de s’approprier, mais plutôt d’adopter les morceaux avec leurs titres, en se laissant aller à ses propres interprétations. Après tout, sur l’ensemble des danseurs qui ondulent d’une seule vague devant la cabine DJ, combien voient les mêmes images ? Une foule est elle-même composée d’identités.
Hormis en Corée du nord, chacun peut revenir de vacance avec un souvenir différent, ou une image personnelle. Et des images, cette compilation en fabrique à la volée ! Les DJ se font semeurs. Chacun de leurs gestes sur leurs outils sont autant de poignées qui dispersent un nuage de graines, elles germent ensuite, en chacun de nous… On se prend alors à tripper sur Gurgle 101 de Too Smooth Christ, à avoir un point de côté sur Drum Beat For Teki de Helix, à agiter ses bras façon Voguing sur Healthpack de Gage, à partir en petites foulées sur le Bill de Matthias Zimmermann, à faire des pompes sur Sucker Punch de Troy Gunner, à vriller une chicken dance sur I Am Delivert de Vjuan Allure, bref, à savourer ! On aime particulièrement : Possession de Cardopusher et Warrior de Low Pressure !
Teki Latex & DJ Orgasmic en promo © Sound Pelegrino |
Interview
Houz-Motik. Vous souhaitiez dépasser le stade de la compile ?
Teki.Latex. En fait, l’idée de départ est de faire un CD mixé, et la volonté de construire le set arrive avant même la sélection de la musique. Après on sélectionne nos ingrédients, pour cela soit on regarde parmi les morceaux déjà en stock chez les gens que l’on veut, soit on leur demande une création sur mesure. Tous les morceaux vont remplir une certaine fonction, par exemple on sait que Helix fait plutôt des DJ tools à base de percussions, et lui, en l’occurrence, a fait un truc spécialement pour nous.
H-M. Le Beat for teki ?
Teki.Latex. Oui exactement, Drum Beat For Teki
Orgasmic. Tout simplement !
T.L. Oui, il aime bien donner le premier nom qui lui passe par l’esprit…
O. Ouais…
T.L. il a un morceau qui s’appelle Track Titled One (rires), c’est vraiment brut de décoffrage.
H-M. Hormis le fait que certains morceaux aient été élaborés sur mesure, tous ont une belle identité, le truc qui les distingue de la masse. Est-ce plus simple de faire découvrir un disque au public lorsque l’on est un DJ reconnu ? La notoriété d’un artiste peut-elle favoriser une prise de risque ? L’impact est-il diffèrent sur la piste de danse ?
T.L. Ce n’est pas forcement le cas. Ça dépend des contextes… Il y a des endroits ou l’on peut tout se permettre.
O. Ouais…
T.L. Ce n’est pas forcement le cas. parce que les gens viennent vraiment nous voir, nous ! Quand c’est des endroits un peu plus gros, ou des lieux où il y a une poignée de gens qui nous connaissent, ils vont faire démarrer le truc mais ce n’est pas forcement eux qui vont constituer le nerf de la guerre de la soirée. Je dirai que le challenge c’est justement de faire danser les gens sur des morceaux qu’ils ne connaissent pas. Comment réussir à faire cela ? Peut-être en les y emmenant avec des morceaux qu’ils connaissent. Et en les utilisant comme traits d’union entre deux morceaux qu’il vont leur rappeler des souvenirs. Contrairement à une certaine époque où l’on jouait beaucoup de nouveautés parce que l’on était obsédé par ça, et par ce que ça nous excitait.
O. Ouais…
H-M.. Une époque désormais révolue ?
T.L. De plus en plus, nos DJ sets sont une somme de tout ce que l’on a aimé dans nos vies.
O. Ouais, c’est clair !
T.L. Et de plus en plus, je trouve que nos DJ sets font le lien, que ce soit au niveau des sonorités, au niveau de l’esprit, etc… avec un truc sorti dans les année 80’s. On va se dire, en fait ce truc-là c’est la filiation directe, en tout cas l’ancêtre directe de tel truc qui est soit cette année. Donc de plus en plus on va être intéressé par les liens entre les périodes, pour créer une sorte de DJ set homogène, qui ne se situe pas dans le temps, qui est j’espère intemporel, en tout cas on essaie de tendre vers ça.
Sound Pellegrino Thermal Team © Maxime Brunet |
La place des femmes et des LGBTQI+
Les initiatives pour discuter de la place des femmes sont plus fréquentes ces derniers mois. Si Nina Kraviz refuse d’en parler sous prétexte qu’on ne lui parle que de cela, d’autres n’hésitent pas à évoquer le sujet. C’est le cas de Barbi(e)turix, auteur d’une tribune dans le Huffingtonpost le collectif bénéficie d’ailleurs de la carte blanche du festival Paris Musique Club. Certaines artistes (Jennifer Cardini, Molly…) en parlent aussi lors d’interviews. Jean-Yves Leloup aborde également le sujet dans son travail sur l’histoire des musiques électroniques.
La culture gay est d’ailleurs bien représentée dans le Mix CD de la Sound Pellegrino Thermal Team, notamment dans les références à la scène Voguing que l’on perçoit dans les sonorités d’artistes comme Gage, Fraximus ou Troy Gunner, elles ne sont pas sans rappeler le travail de DJMikeQ avec qui Teki Latex partageait l’affiche en décembre dernier à NYC.
Dans presque toutes ces productions MikeQ utilise le sample si typique de The Ha dance (Masters At Work), titre si populaire dans les vogue ball. En fait c’est à Vjuan Allure que l’on doit la résurrection de cet anthem, et surtout toute l’influence Vogue de la compilation Sound Pellegrino, le beatmaker raconte d’ailleurs son histoire dans les pages de RBMA, celle du « Ha » se trouve par ici.
La vraie réussite de cette compilation est que le mot “lien” prend tout son sens. S’il y a de nombreuses influences les DJ ne se soucient guère des chapelles et lient l’ensemble avec soin, sonorisant brillamment leur passerelle vers ce que sera une partie du futur de la musique, et de l’humanité. D’ores et déjà disponible le disque sera fêté lors de la prochaine Boiler Room le 27 janvier prochain, avec aux platines : Teki Latex, DJ Orgasmic, Betty, Kiddy Smile et l’ami Nick V, qui via ses soirées Mona ne manque pas de rendre hommage au voguing, au waacking, au disco et bien entendu à la house.