Derrière ses claviers et ses textures syncopées, Mangabey explore la couleur d’un monde en mouvement. Avec Hopeful Color, son premier album, l’artiste français tisse quatorze morceaux comme autant de nuances : house élégante, electronica atmosphérique, pulsions acid, reflets R&B et neo-soul. Un disque dense, curieux et généreux, à l’image d’un musicien qui relie club et introspection sans jamais les opposer
Hopeful Color condense deux années de travail et une envie de croiser les humeurs : entre énergie et contemplation, chaleur et tension. Autour de Mangabey gravitent des voix et des présences venues du Ghana, du Brésil ou du Congo, dessinant un paysage global où les rythmes dansent avec la mémoire. Ce premier album marque une mue : celle d’un producteur passé de la micro-house à l’electronica, une forme plus ample, plus narrative, où la pulsation devient langage…
La house comme point d’ancrage
Mangabey DR
Sous la surface, le cœur bat toujours au tempo de la house.Moula Si ouvre la voie, comme un clin d’œil à ses premiers pas : beat net, basses fluides, arrangements polis. Mais Mangabey ne rejoue pas un passé glorieux ; il le filtre à travers son présent. Les synthés respirent, les rythmes s’élargissent, le groove garde sa chaleur organique. Ce n’est plus la nostalgie d’un dancefloor idéalisé, mais la mémoire vivante d’une pulsation qui continue de parler à l’oreille.
Ce qui frappe ensuite, c’est la mobilité. Ampex Both déroule son electronica élastique, aérienne, héritée d’une sensibilité à la Bicep ; Attente Instable et Green Sphere basculent vers une acid music charnue, presque analogique ; Dumble Face invite l’alternative R&B du collectif ghanéen ALL MY COUSINS, quand Six Figures Check s’autorise une respiration hip-hop, souple et assurée. Ces glissements racontent une vision du monde sans frontière : une musique en circulation permanente, refusant la hiérarchie des genres.
« My main reason for starting this label is to show my very 90s rave and club vision to people who get lost in this world full of music. » – Mangabey (Minimal Mag 2023)
Intérieur club, extérieur calme
Mangabey DR
Le titre Hopeful Color – Deep Breath, partagé avec Amaru, incarne cette dualité : une soul lente et rêveuse, qui semble flotter dans la brume après la nuit. L’album avance comme un balancement — moment d’élévation, moment de pause. Ce n’est pas une opposition entre club et intérieur ; c’est une porosité. Chaque pièce respire selon sa propre gravité. Dans ce double mouvement, Mangabey capte quelque chose de rare : l’espace entre le corps et l’esprit, entre l’élan et le retrait.
Couleurs, collaborations, cultures : la force du disque réside aussi dans ses voix. Aux côtés d’ALL MY COUSINS et d’Amaru, on retrouve Goldie B et le trio PPJ, qui infusent au projet une lumière sud-américaine. Chaque rencontre agit comme un pigment ; le mix et le mastering d’Alain Wits (Studio 33 Rec) en lient les nuances. Le tout compose un patchwork d’identités : afro-électronique, latine, européenne. L’artwork signé Sam Baron achève le tableau : un halo de teintes mêlées, promesse d’un monde plus vaste. Avec Hopeful Color, Mangabey signe un manifeste discret : celui d’une génération qui veut danser sans s’étourdir, rêver sans fuir, ouvrir la club culture à d’autres sensibilités. Un album qui ne cherche pas la prouesse, mais la justesse, celle d’un son qui écoute.