Bastien Keb : Dinking In The Shadow Of Zizou

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Difficile de ne pas penser à “festif et populaire” lorsque l’on associe les mots “football et musique”. Le disque de Bastien Keb, songwriter fan de Zidane, est pourtant l’exception qui confirme la règle, on a aimé son premier album dès la première écoute

Curtis Mayfield, Flying Lotus, Alice Coltrane, Sun Ra, Broadcast ou encore Tom Waits font partie de ses nombreuses inspirations, toutefois l’artiste évolue dans un registre bien personnel, dans un parfait équilibre entre ses influences et ses humeurs. Le Britannique compose également pour la télévision et le cinéma. Sur son premier album le multi-intrumentiste navigue entre les instruments et sa voix, saupoudrée d’effets et de mélancolie, qu’il superpose subtilement. Le musicien fait partie de ces artistes qui imposent leur signature sans se revendiquer d’une famille musicale, et si les labels, les attachés de presse et les magasins de disques balisent l’identification des genres afin d’accompagner les consommateurs dans leurs choix, selon lui le débat n’a pas lieu d’exister : “En ce qui concerne les musiciens et les amateurs de musique je pense que tout le monde s’en fiche, si c’est bon, c’est bon ! D’ailleurs il me paraît essentiel de progresser, et ce processus de mélange des genres implique la difficulté de coller une étiquette musicale”.

Une mystérieuse musique d’avant-garde

Sa musique révèle la patine d’une avant-garde mystérieuse, parfois expérimentale ou ambiant (Deer), psychédélique (Hum), soulful (Beat Without A Heart) et jazz (Blurs). Dans ce grand métissage le hip-hop (Doodlebag) flirte avec le folk (Pork Belly) et la soul (Chicken Stomp), et quelques samples de films sur VHS s’ajoutent au bricolage maison. Si l’ensemble sonne parfois un peu “ancien”, Bastien Keb aime définitivement le présent :

“Les bedrooms studios ont énormément facilité la façon de faire de la musique. Et surtout, on peut consacrer tout son temps à travailler sur sa musique et son développement. J’aime être en mesure de faire de la musique dans ma chambre, car lorsque l’on est en studio on est soumis à l’horloge… Si parfois vous avez besoin d’écrire une chanson au milieu de la nuit vous pouvez le faire avec les “bedrooms studios”. Je pense que par le passé il serait presque impossible de travailler seul, mais aujourd’hui un artiste solo peut facilement obtenir un son plus fidèle de ce qu’il souhaite écrire”.

Son bedroom studio (ou home studio) est selon lui le meilleur endroit qu’il ait trouvé pour travailler. Ce genre de matériel se transporte bien plus facilement qu’un studio traditionnel, il peut alors envisager de nouvelles sources d’inspirations et parfaire sa géographie :

“Bien que j’aie installé tout mon équipement dans une petite maison très agréable au milieu de nulle part, au Pays de Galles, je voudrais maintenant partir à l’étranger, un petit endroit isolé dans une ville quelque part, et faire un disque plein de ballades“.

Bastien Keb est un poète musical, les ballades de Dinking In The Shadows of Zizou sont particulièrement belles, riches et obsessionnelles. En dépit d’une teinte faussement “vintage” l’ensemble est d’une fraicheur douce et satinée. Une pérégrination sonore qui nous enchante d’un titre à l’autre, ses boucles mélancoliques sont autant de mélodies savoureuses prêtes à faire aimer la pluie à ceux qui n’apprécient que le soleil… Electronique et acoustique s’harmonisent au-delà d’un simple flirt bucolique, car dans le fond c’est bien d’amour dont il s’agit, un amour sublimé par sa capacité à simplifier son oeuvre pour ne livrer qu’une simple flèche, psychédélique, destinée à transpercer les coeurs à l’écoute.

Interview

Cyprienr.Rose. Vous rappelez-vous du nom de votre première histoire d’amour ?
Bastien.Keb. Je me souviens du nom de chacune !

C.R. Quel gamin étiez-vous ?
B.K. J’étais stupide. tout tournait autour du football. Je n’étais pas très bon à l’école, j’aimais juste me salir et jouer au foot, peu de choses on changées en fait !

C.R. D’où vient cette passion pour le football ?
B.K. Je ne sais pas trop… J’ai arrêté de jouer au foot vers l’âge de 10 ans parce que je pensais que l’on ne pouvait pas faire de la musique si l’on jouait au football (rires). Aucun de mes amis musiciens n’est branché football, mais j’aime ça !

C.R. En tant que fan inconditionnel de “Zizou“, vous ne l’avez jamais rencontré ?
B.K. Jamais, mais il est sur ​​la liste ! Je serais ravi de lui donner une copie de mon disque et de taper quelques barres transversales avec lui.

C.R. Si cet hommage à Zinedine Zidanne ne figure pas sur le disque, avant de sortir le premier album, vous avez fait des démos, et les premières ont été envoyées à divers labels, dont Stones Throw en tête de liste.
B.K. Alex y travaillait et il est revenu vers moi, nous avons discuté un bon moment mais rien ne vint. Puis le temps s’est écoulé et je lui ai reparlé, il y a environ six mois, j’avais des nouvelles chansons et le contrat a été fait (Ndlr, Alex Chase représente Stones Throw en Europe, et crée One-Handed Music en 2007)

C.R. Les tournées suivent généralement un lancement d’album, comment se présente la prochaine ?
B.K. Cela me rend assez nerveux mais je serai bien une fois que j’y serai ! Je couche beaucoup d’harmonies sur scène donc j’ai besoin de beaucoup de concentration. J’ai un groupe, alors quand ils sont disponibles c’est beaucoup plus simple car que j’ai juste joué de la trompette et chanter.

C.R. Et si on vous demandait de faire une cover, ce serait laquelle ?
B.K. Toujours la même : After the Laughter, de Wendy Renee

C.R. Si vous deviez décrire votre travail à un membre de votre famille qui ne serait pas trop branchée musique, ou à une personne plus âgée, vous diriez quoi ?
B.K. Haha, je ne sais pas c’est difficile… Je dirai qu’il faut du groove, des trompettes et des harmonies, puis j’essaie d’y ajouter de la mélancolie, de l’onirisme et une touche un peu vieillotte, patinée.

Concernant la création de son album Bastien Keb a livré, par chanson et par saison, quelques informations au magazine The Ransom Note. L’artiste fournit également des images pour chaque titre, voici ce qu’il dit pour Blurs et pour Down Shoe Gum :

Hiver : “Un vieux Miles Davis et la BO de Taxi Driver par Bernard Hermann. J’ai toujours imaginé New York comme cela, du jazz d’humeur bougonne, avec une qualité dissonante. Je l’ai écrit comme un air de jazz standard, en pensant au son Miles Davis, il faisait noir à l’extérieur. Une fois écrit, j’ai écouté la boucle et ajouté un peu de scie musicale et quelques overdubs de clarinette. Ma maman a acheté une clarinette mais n’en a jamais vraiment joué, j’ai fini par la récupérer. Quand ça m’a plu, j’ai écouté la boucle avec une tasse de thé. Ca fonctionne aussi quand vous avez le bourdon, lors d’une marche dans les rues d’une ville la nuit, sous la pluie”.

Printemps : “Celle-ci a été écrit pour un jeu de radio qui n’a jamais eu lieu… C’était à propos de vieux films de blaxploitation, donc j’ai écrit tout un album inédit d’instrumentaux funk. J’espère que cela va se faire un jour. Mais au moins, celui-ci est sorti. L’inspiration vient du côté oldschool de James Brown”.

Fondateur de Houz-Motik, coordinateur de la rédaction de Postap Mag et du Food2.0Lab, Cyprien Rose est journaliste indépendant. Il a collaboré avec Radio France, Le Courrier, Tsugi, LUI... Noctambule, il œuvre au sein de l'équipe organisatrice des soirées La Mona, et se produit en tant que DJ. Il accepte volontiers qu'on lui offre un café...

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