Sur Delusions Of Grandeur, le multi-instrumentiste australien installé à Berlin dévoile un EP sensible, chauffé au grain analogique et traversé d’une élégance presque tactile. Porté par une approche live, le projet invite Tom Trago, Lovetempo et Luxonous dans une ambiance où funk, soul et moiteur vibrent dans un même halo
Doin’ It All 4 U révèle un artiste à l’intersection des scènes : héritier du disco et des synthés vintage, façonné par les clubs de Berlin, mais toujours guidé par le geste instrumental. Cet EP de Declan McDermott tresse house soulful, relectures club et escapade jazzy, laissant présager une future discographie où la matière sonore, analogique, vivante, restera le moteur de ses explorations…
L’équilibre rare entre chaleur live et précision club
Il suffit d’un battement pour se sentir accueilli dans l’univers de Doin’ It All 4 U. Une basse gonflée d’air chaud, des Rhodes qui s’ouvrent comme des portes coulissantes, une rythmique faite pour la nuit. Au centre, Declan McDermott, multi-instrumentiste de Sydney aujourd’hui ancré à Berlin, met en jeu ce qui fait sa signature, l’alliance d’un toucher live et d’une conscience aiguë du dancefloor. Son parcours transparaît dans les disciplines : bassiste, guitariste, claviériste, vocaliste, technicien amoureux des machines analogiques. Cette polyvalence donne au morceau-titre une belle respiration, quelque chose de souple et d’habité qui ne cherche jamais l’esbroufe.
Un titre qui regarde le dancefloor dans les yeux. Dans Doin’ It All 4 U, Declan manie le vocoder comme un fil émotionnel. Pas pour l’effet, mais pour le grain, une voix qui se brouille, s’harmonise, se reconstruit. Le groove s’installe par vagues, serré mais chaleureux, et les percussions crépitent comme si elles sortaient d’un MPC laissé un peu trop près d’un radiateur. Ce n’est pas un track qui pousse, c’est un track qui enveloppe. Et cette enveloppe, bornée par le groove mais ouverte par l’arrangement, devient un terrain de jeu fertile pour ceux qui vont le remixer.
“La musique doit avoir une sensation humaine, même lorsqu’elle est entièrement électronique.” — Tom Trago (XLR8R, 2010).
Tom Trago & Lovetempo : nouvelles orbites
Declan McDermott DR
Tom Trago apporte au morceau-titre une densité club assumée. Son remix descend dans le bas médium, renforce la charpente rythmique et resserre le spectre : l’énergie bascule vers le peak-time. On y retrouve sa manière bien à lui de faire gonfler un groove sans jamais trahir la source, juste la pousser dans la pénombre lumineuse des moments clés. Lovetempo, lui, choisit la déviation cosmique. Une 808 qui roule, des moog qui s’enroulent comme des lignes de fumée, une sensualité boogie modernisée. Sa version élargit le paysage, flotte entre disco et electro, comme si le morceau avait voyagé dans une navette solaire avant de revenir doucement vers nos platines.
Dani, la trajectoire intérieure. Clôturer un EP est tout un art. Dani agit comme une porte entrouverte sur une autre facette du producteur. Luxonous (Omri Abramov), au sax soprano et à l’EWI, insuffle une respiration organique d’une beauté calme. Les textures électroniques de Declan se mêlent au souffle, développant un climat où résonnent St Germain, Frederick Galliano, une certaine idée de la house jazzée qui ne force rien, qui avance par inflexions. On y sent un artiste capable d’élargir son spectre sans jamais se perdre, un dialogue permanent entre groove, mélodie, tension et apaisement. Dans ce premier EP pour Delusions Of Grandeur, Declan McDermott avance avec une grâce tranquille et offre un espace où l’on respire autrement.
