Dans un espace où dub, jazz embrasé, dance oblique et dérives urbaines se croisent, Má Estrela façonne des destinations sonores qui tiennent autant du rituel que du mirage. Avec Tornada, enregistré en 2023 et paru en novembre 2025 chez Discrepant, le collectif portugais s’enfonce dans sa zone de turbulence douce avec une musique chargée d’impulsion, d’hypnose et d’un irrépressible besoin de traverser la nuit
Sorti sur Discrepants, Tornada rassemble sept pièces où saxophone traité, rythmiques brisées, textures électroniques et basses dub gravitent dans un même courant ascensionnel. L’album de Má Estrela étend l’alchimie du premier disque, une transe souterraine qui oscille entre chaleur analogique, fièvre de club fragmentée et dérive somnambule. Un disque qui parle autant à l’oreille qu’au corps, et qui ouvre, discrètement, vers de nouveaux territoires pour la scène expérimentale portugaise…
Dub comme horizon, souffle comme boussole

Le cœur du projet bat dans cette tension entre espace et percussion, comme si chaque piste cherchait à mesurer l’infini dans une chambre d’écho minuscule. Le saxophone de Pedro Alves Sousa avance en spirale, porteur de grains d’air, de plaintes, de pulsations étirées. Les delays diluent les contours, les basses retiennent le sol, un dialogue instable mais fertile. Dans leur texte de présentation, les musiciens évoquent « une conjuration d’idées et d’obsessions autour du dub, des phénomènes dance leftfield et du potentiel hypnotique du somnambulisme urbain ». Tout y est : le dub comme forme ouverte, la danse comme éclat, la ville comme vertige.
Danse fracturée, fêlures rythmiques : au-delà de la gravité dub, Tornada s’accorde des percées plus nerveuses, des éclats jungle, des surgissements footwork, des ruptures qui rappellent les dérives syncopées de la scène globale. Gabriel Ferrandini, à la batterie acoustique et électronique, trace des trajectoires irrégulières, presque animales. Les machines de Bruno Silva et Simão Simões épaississent l’air, brouillent, froissent, rallument. C’est une danse en fragments, pas une effusion, plutôt un déplacement, précis, fuyant, chargé de tension.
« A conjuration of ideas and obsessions around dub, leftfield dance phenomena and the hypnotic potential of urban somnambulance. » — Boomkat
Langages hybrides, quêtes de libération

Má Estrela ne cherche pas la fusion totale. Leur force vient de l’entre-deux, du frottement entre sources, du refus de lisser. Depuis le premier album, leur méthode reste la même : assembler des fragments de transe, des bribes de jazz, des spectres digitaux, puis laisser le tout respirer. Tornada pousse plus loin cette logique symbiotique. L’arrivée de Bruna de Moura à la basse (après le départ de Miguel Abras) densifie la matière, ancre le groupe sans l’alourdir. La musique devient un langage mouvant, ni théorique, ni démonstratif, une forme de liberté contenue, presque incantatoire.
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Le groupe en mouvement, l’album en perspective. La période d’enregistrement (septembre 2023) a marqué une consolidation du quintette, temporaire mais déterminante. Le mastering de Gonçalo F. Cardoso affine les zones d’ombre, distingue les couches, permet aux textures de se détendre ou de s’écharper selon la nécessité. Tornada s’inscrit dans une scène portugaise qui assume désormais sans complexe les entrecroisements : entre improvisation, électronique, musique de club, héritage jazz et pulsations globales. C’est un disque-passerelle, un terrain fertile pour naviguer entre marge et souffle commun. Dans la pénombre électrique qu’il épouse, Tornada ouvre un passage, une manière de traverser la ville sans s’y perdre, de dériver sans renoncer à l’élan. Une musique qui, sans tapage, continue de tracer des chemins…
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