Tom Ellis revient sur Telegraph sans effets de manche ni posture nostalgique. Chroma Blur ne cherche pas à réinventer la house, mais à la maintenir vivante, souple, incarnée. Quatre titres, longs formats, taillés pour le club mais pensés comme des organismes sensibles, où le groove n’écrase jamais l’intention
Avec Chroma Blur, Tom Ellis confirme une trajectoire cohérente : une house chaleureuse, patiente, profondément musicale, qui refuse le clinquant. Ce disque parle moins de performance que de respiration collective. Il s’inscrit dans une tradition, mais sans jamais se figer. Une sortie solide, qui ouvre surtout une question : jusqu’où peut encore aller cette écriture organique dans un paysage club de plus en plus formaté ?
La house comme matière vivante

Ce qui frappe d’emblée, c’est une grande sérénité. Shelters n’est pas un EP d’impact immédiat, mais de circulation. Les morceaux s’installent, s’étirent, évoluent par micro-déplacements. On sent une attention constante portée aux textures, aux silences relatifs, aux respirations internes du groove. Rien n’est démonstratif, tout est ajusté. Quatre pistes, quatre états : Shelters pose le cadre : un groove souple, enveloppant, presque protecteur. Shoreline travaille une ligne plus fluide, légèrement aqueuse, idéale pour les transitions longues. Chroma Blur joue davantage sur les frottements harmoniques, sans jamais rompre l’équilibre. May Not Know ferme l’EP sur une note plus introspective, étirée, presque méditative. Aucune piste ne cherche à dominer les autres. C’est à la fois une force et une limite, l’EP ne comporte pas de rupture franche, pas de prise de risque radicale.
« House music is about feeling first – the rest follows. » — Tom Ellis, entretien pour Trommel Music (2019).
Une signature assumée

Membre central du festival britannique Freerotation, Tom Ellis développe depuis 2003 une house et une techno minimales, organiques, nourries aussi bien par le groove que par des climats plus deep et contemplatifs. Autodidacte et multi-instrumentiste, il trace un parcours cohérent entre labels exigeants (Minibar, Logisitic, Telegraph, Archipel, Trimsound…) et des projets parallèles comme Soulstatejazz, Ekkis ou Soulstatedub…
- À lire aussi sur Houz-Motik : Declan McDermott entretient la flamme house
Tom Ellis affine une écriture immédiatement reconnaissable. Ici encore, la house est pensée comme une musique de corps, mais aussi de musiciens. Son travail en live avec Soulstatejazz n’est jamais loin : on sent cette culture du jeu, du collectif, du temps long. Telegraph comme écrin logique : le label accueille depuis longtemps des formes de house et de techno qui privilégient la profondeur à l’effet. Shelters s’inscrit parfaitement dans cette ligne éditoriale, sans chercher à la bousculer. Shelters n’est ni un manifeste ni un tournant. C’est un disque de continuité, et il l’assume pleinement. Dans un contexte où la house est souvent sommée d’être plus rapide, plus dure, plus rentable, Tom Ellis choisit la constance et l’humanité. Reste à voir si, à l’avenir, cette élégance pourra se confronter à une vraie zone d’inconfort, ce serait sans doute la prochaine étape.



