À la croisée de l’art sonore et de la science atmosphérique, An Eye from Above nous plonge dans une performance nocturne unique où les signaux analogiques de vieux satellites deviennent pulsations poétiques et visions célestes
Celles et ceux qui aimaient (ou auraient aimer) faire de la poésie avec des fax pourraient apprécier l’expérience An Eye from Above, qui réactive le potentiel sensible d’une technologie en voie d’obsolescence : les signaux radio analogiques émis par les satellites NOAA. — une technologie aussi vintage que les cassettes audio ? — En transformant leur passage en expérience sensorielle, cette performance interroge notre lien aux infrastructures orbitales, à l’image scientifique et à la perception du monde vu d’en haut. Cette performance transforme donc le passage de satellite en moment quasi mystique. Entre science, nostalgie et contemplation, l’œuvre questionne notre relation aux machines qui tournent tout au dessus de nos têtes, dans l’indifférence générale. Et pendant que ces signaux « ouverts » s’éteignent doucement, c’est là qu’émerge notre possibilité de jouer à l’astronaute depuis le salon ; dernière danse cosmique pour les radios oubliées du ciel…
Une oreille dans le ciel

Depuis plus de vingt ans, NOAA 15, 18 et 19 font du tourisme orbital à plus de 20 000 km/h, scannant la Terre comme si elle était un code-barres géant. Leur job ? Fournir des données météo hyper sérieuses… mais en douce, ils balancent aussi des signaux analogiques à 137 MHz que n’importe quel geek équipé d’une antenne peut capter. C’est cette écoute que An Eye from Above transforme en performance.

Le projet transforme cette chasse aux ondes en spectacle poético-techno : une antenne, un ordi, une pincée de patience, et hop, le bruit blanc devient un beat à 120 BPM — comme si la Terre s’entraînait à mixer. Ligne après ligne, le satellite « imprime » une sorte de selfie spatial de son passage. Une météo de l’âme, version analogique…
Poétique des protocoles oubliés

Ici, pas de streaming HD ni de cloud magique : les satellites NOAA balancent encore du bon vieux signal analogique, brut de décoffrage, à la fois visible et audible — un peu comme un karaoké cosmique. Cette double casquette donne à la performance une vibe mi-scientifique, mi-sensorielle : ça fait vibrer le cerveau et le sternum. Réunis de nuit en plein air (ambiance feu de camp spatial), les spectateurs ne regardent pas juste un satellite : ils l’écoutent, le sentent passer. Le son n’est pas une musique d’ambiance : c’est le satellite lui-même qui parle en direct — sans autotune ni filtre. Une rencontre du troisième type, mais sans effets spéciaux.

Pas de triche ni de replay ici : la performance colle au timing du satellite à la seconde près. Il surgit à l’horizon, grimpe dans le ciel comme une rockstar céleste, puis s’éclipse doucement — rideau. Pendant ce temps, l’artiste joue les DJ de l’espace, sculpte le son en temps réel, fait apparaître l’image comme par magie, et nous invite à faire une chose qu’on ne fait plus : lever les yeux. Entre techno, cosmos et frissons collectifs, c’est un moment suspendu où l’on réalise que le ciel est littéralement traversé de Wi-Fi intergalactique. Le spectre radio ? Un nouveau continent invisible à explorer — sans valise, mais avec antenne.
Derniers signaux d’un monde analogique

Les satellites NOAA, c’est un peu les derniers mohicans de l’espace analogique : encore libres, encore audibles, encore bidouillables avec une antenne faite maison. Mais leur crépuscule approche, chassés par l’armada du tout-numérique et du tout-sécurisé. An Eye from Above, c’est donc aussi une capsule temporelle avec du style : un clin d’œil aux signaux ouverts, aux modes d’emploi compréhensibles, et à l’époque où tendre l’oreille vers le ciel relevait autant de la science que du romantisme. Parce qu’au fond, capter un satellite en douce, c’est un peu comme voler un baiser sous Cassiopée — avec des ondes FM en guise de bande-son.