Avec Recurse, première pièce musicale générée à l’aide d’un ordinateur quantique, la startup Moth et l’artiste ILĀ ouvrent une brèche : celle d’une création sonore co-écrite entre sensibilité humaine et calculs de l’indécidable. Bien loin des IA industrielles façon Suno ou Udio
La fin du fantasme de l’IA créatrice ? Dans un paysage saturé de musiques engendrées à la chaîne par des IA génératives comme Suno ou Udio, Recurse fait figure d’ovni. Ce morceau, fruit d’une collaboration entre la musicienne ILĀ et la startup Moth, s’appuie sur un logiciel quantique, Archaeo, pour explorer des structures musicales inédites. Loin de composer à la place de l’artiste, la machine suggère, révèle, accompagne. Une posture rare, presque politique, à l’heure où l’automatisation menace jusqu’à la singularité des voix créatives…
Une machine qui devine ce que l’oreille humaine n’entend pas encore
Au-delà des IA mainstream : l’élégance du quantique. Recurse n’est pas une prouesse technique de plus dans la marée d’œuvres générées par des intelligences artificielles. Si le morceau intrigue, c’est parce qu’il a été conçu non pas par une machine imitatrice, mais par une architecture quantique — Archaeo — capable de suggérer des motifs enfouis dans les sons fournis par l’artiste ILĀ. Là où les IA conventionnelles fabriquent de la musique standardisée, Moth propose un outil qui révèle l’inouï, à partir d’une matière sonore intime.

Une coopération sensible, pas une délégation automatisée. La promesse est claire : pas de pilotage automatique, ni d’imitation des tendances. Le quantum computing, ici, ne compose pas ; il éclaire. Les choix restent ceux de l’artiste, qui reprend le pouvoir sur l’outil. ILĀ parle d’une expérience libératrice, presque thérapeutique : “Cela fait du bien d’utiliser une technologie conçue pour coopérer avec vous, et non pour vous remplacer.” Le morceau, étrange et mouvant, existe en streaming continu, évoluant au fil du temps, loin des formats habituels.
Une technologie au service du vivant : Moth trace une autre voie dans la création numérique, celle d’une technologie humble, amplificatrice d’intuition. Les implications sont vertigineuses : jeux, installations interactives, mondes sonores adaptatifs… Autant d’univers où le contenu se générerait avec le créateur, et non à sa place. La musique quantique n’a peut-être pas encore trouvé son public, mais elle a déjà esquissé sa philosophie : celle d’un dialogue approfondi et non d’une substitution.
Comment accéder à un ordinateur quantique ?
L’accès à un ordinateur quantique est évidemment encore limité, mais ce n’est plus une bête enfermée dans les labos de recherche : aujourd’hui, quelques plateformes en ligne ouvrent des brèches dans ce monde encore mystérieux. IBM propose un accès (limité, mais réel) à ses machines via Qiskit, un framework Python pensé pour faire joujou avec les qubits. De leur côté, Microsoft et Amazon ont chacun leur portail : Azure Quantum et Braket, qui embarquent divers partenaires techno comme IonQ ou D-Wave.
Ces services sont plus ou moins gratuits selon les usages, et si l’on est étudiant·e ou chercheur·se et que l’on peut gratter quelques crédits ici ou là. Pour les curieux à la maison, il existe aussi des simulateurs à installer en local, histoire de se familiariser avec les circuits quantiques sans faire chauffer un vrai processeur cryogénique. Il existe également des partenariats entre universités et géants du secteur (IBM, Microsoft, Google) pour aller plus loin. Bref, quand les portes s’entrouvrent : il ne reste qu’à oser les franchir.