Après le chaos rap-rock et hyperpop de Hole Erth (2024), Chaz Bear alias Toro y Moi revient le 19 septembre avec Unerthed (Hole Erth Unplugged). Un disque en clair-obscur, arrangé pour guitare, piano, cordes et batterie, où l’énergie brute cède la place à l’épure et à la mélancolie
Avec Unerthed, Toro y Moi revisite son dernier album sous un angle acoustique. Loin d’un simple exercice de style, le disque met en avant la solidité de son écriture et son héritage folk. Chaque morceau s’offre une nouvelle incarnation, oscillant entre Americana, ballade désenchantée et rêveries intimes. Ce projet, qui paraît comme un contrepoint à Hole Erth, confirme l’élasticité créative de Chaz Bear et trace une continuité dans une carrière marquée par la métamorphose constante…
Retour à la racine
Toro y Moi DR
Derrière l’énergie bigarrée de Hole Erth, se cachait déjà une architecture mélodique robuste.Unerthed l’exhume et l’expose sans fard. On y retrouve un Toro y Moi plus proche de ses premiers CD-R gravés artisanalement que de ses aventures hyperpop. Un geste qui fait écho à Sandhills (2023), son EP folk aux résonances Sufjan Stevens ou Iron & Wine, où l’on devinait déjà l’envie de tendre l’oreille vers ses origines.
Ici, le dépouillement agit comme une loupe. CD-R abandonne trap et autotune pour de douces guitares et un lap steel rêveur. HOV, hier hymne pop-punk, se mue en spiritual Americana. Sur Hollywood, débarrassé de la présence de Ben Gibbard, Bear se retrouve seul face aux étoiles californiennes, la voix presque perdue dans un désert intérieur. Chaque relecture porte un éclairage inédit : Madonna danse en western swing, Heaven accentue son ton de rêverie banlieusarde,Starlink révèle la fragilité de la ballade qu’il a toujours été.
“I don’t think I’ve ever made a record that represents me fully, because I’m constantly changing.” — Chaz Bear, interview pour Pitchfork (2022)
Une sincérité nouvelle
Toro y Moi DR
Là où Hole Erth s’amusait des codes emo et rap-rock, Unerthed se tient du côté d’une mélancolie intemporelle, plus proche de Leonard Cohen ou d’Elliott Smith que des pastiches Y2K. Les paroles prennent une densité supplémentaire, comme si l’acoustique les rendait plus lourdes, plus définitives. “All the constellations still look the same / Poor navigation, who am I to blame?” chante-t-il sur Hollywood : une confession qui, débranchée de ses artifices, trouve une intensité neuve. Depuis Blessa et la vague chillwave, Toro y Moi n’a cessé de brouiller les pistes ; funk psyché, house, pop synthétique, expérimentations sonores. Ici, il rappelle que derrière ces métamorphoses, il n’y a qu’un seul genre : « Toro y Moi même ».
Et si chaque détour semble contradictoire, l’ensemble compose la carte mouvante d’un artiste qui cultive l’imprévisible avec constance. Chaz Bear signe un album qui n’oppose pas le passé au présent, mais les relie. Un disque en demi-teinte, mélancolique et lumineux à la fois, qui prouve qu’il existe toujours une nouvelle façon de raconter la même histoire. Une respiration bienvenue dans une discographie qui, depuis près de vingt ans, s’écrit dans l’art de la transformation.