Ron Trent (re)décolle : Lift Off, un voyage intersidéral au cœur de la house

Avec Lift Off, album conçu entre Chicago et l’espace-temps, Ron Trent mêle virtuosité instrumentale, pulsations hybrides et collaborations triées sur le volet. Plus qu’un nouvel album, une déclaration d’intention pour le futur de la musique de danse

Avec Lift Off, Ron Trent livre un album manifeste : sensoriel, libre et généreux. Il y poursuit son œuvre de bâtisseur d’univers, entre héritage et anticipation. À l’heure où la house se dilue ou se standardise, Lift Off rappelle qu’elle peut encore être un terrain d’exploration, d’élévation. À l’aube de sa nouvelle tournée mondiale, Trent continue d’avancer, un pied dans le passé, l’autre dans le futur et le regard ailleurs, vers le haut…

Cartographie d’un architecte sonore

Difficile de parler de Lift Off sans revenir aux fondations. Ron Trent, fils d’un père mélomane qui gérait un record pool dans les années 70, a grandi dans les sillons du vinyle comme d’autres grandissent dans une bibliothèque. À 14 ans à peine, il signait Altered States, classique intemporel de Chicago. Très tôt, il comprend que la musique n’est pas une simple suite de beats, mais un espace à habiter, à moduler, à transmettre. De Prescription à Giant Step, de New York à Tokyo, il a bâti une œuvre qui dépasse les clubs et les tendances.

Aujourd’hui revenu à Chicago, son ancrage historique, Trent continue de transmettre via SODA, une structure culturelle qui prolonge sa mission éducative. Lift Off n’est donc pas un aboutissement, mais une nouvelle balise sur une trajectoire en constante expansion – celle d’un artiste qui, au lieu de suivre les courants, trace ses propres constellations.

Ron Trent n’a jamais fait de la musique comme les autres : il l’a dessinée, construite, puis habitée. Dans Lift Off, chaque titre semble conçu comme une pièce à vivre – ouverte, circulaire, sensorielle. Une décennie de compositions étalée dans une architecture sonore double vinyle, où chaque recoin abrite une atmosphère, un souvenir ou une perspective. Le groove est intact, les percussions toujours aussi vivantes, mais l’ensemble respire une ambition plus vaste : celle de fusionner les lignes temporelles, de Chicago à la stratosphère.

Equipage sur mesure pour odyssée intérieure

Trent ne part jamais seul : il choisit ses compagnons comme un réalisateur choisit ses acteurs. Harry Dennis, voix caverneuse et poétique de Her, nous guide dans une rêverie latine, tandis que Lars Bartkuhn éclaire Street Wave de solos de guitare jazzy d’une virtuosité rare. Le sommet ? Let Me See You Shining, où Leroy Burgess, légende vivante du boogie, redonne au mot « collaboration » sa valeur de collision créative. Ces morceaux ne sont pas des feats : ce sont des dialogues, des liens entre générations et esthétiques.

Il serait réducteur de parler de Lift Off comme d’un simple album de house. C’est une traversée des genres, où les échos de la new wave, du jazz-funk, du R&B cosmique et du balearic alternatif se superposent. Sur Woman of Color, Trent invoque Wally Badarou et les plages de Bahia dans un même souffle. Just Another Love Song, lui, ose les vapeurs 80’s avec une voix éthérée, presque effacée. Chaque titre semble répondre à cette question implicite : « Et si la dance music, loin de ses dogmes, devenait un espace d’expérimentation sensible ? »

On le sait, Ron Trent ne fait jamais que de la musique. Il convoque une manière d’être au monde – à la fois ancrée (dans Chicago, dans les racines de la black music) et tournée vers l’ailleurs. Loin des tendances passagères, Lift Off creuse un sillon personnel, au croisement de la tradition et de l’utopie. Un disque à écouter les yeux fermés, ou le cœur grand ouvert. Pour danser, rêver, penser. Et surtout, pour ressentir une philosophie du son incarnée, entre ciel et dancefloor ! A must have, cela va sans dire.

 

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