Figure de l’underground britannique, Makaton (Steve Bailey) revient avec un album qui prend la répétition à bras-le-corps et la tourne comme un prisme : à chaque pivot, une nuance, un vertige, un retour. every.moment<repeat> paraît le 31 octobre 2025 sur Rodz-Konez, avec une promesse drastique : plier le temps jusqu’à l’hypnose
Dans la lignée industrielle de Birmingham, Makaton tresse des pulsations sèches et des textures abrasives pour explorer un paradoxe : figer l’instant en le rejouant, contredire l’ichi-go ichi-e japonais – l’instant unique – par la récidive assumée. Entre mémoire et présence, l’album déroule onze pièces comme autant de chambres d’échos où l’on avance les yeux ouverts. Perspectives : une proposition radicale pour la techno exigeante, et un terrain d’écoute propice aux chorégraphes, aux cinéastes, aux DJs du petit matin…
« Loop is a four-letter word »

L’obsession de Makaton n’a jamais été la mode, mais la matière. Producteur actif depuis la fin des années 1990, compagnon de route d’une scène birminghamaise forgée au noir industriel – au côté de figures comme Surgeon et Regis – il a bâti avec Rodz-Konez une enclave sonique, sombre et expérimentale, farouchement indépendante. On y célébrait déjà la frappe sèche, la densité, l’imprévu. Les archives du label le rappellent : Dark, Industrial and Experimental.
Défaire l’ichi-go ichi-e ? Le texte d’intention de l’album annonce la couleur : ici, on sabote l’idée du moment irrépétable – ichi-go ichi-e – en la retournant contre elle-même, jusqu’à trouver du beau dans l’itération. L’album pose une question presque cinématographique : si vous pouviez revenir éternellement à un instant, le voudriez-vous ? La réponse passe par l’architecture : battements, ressacs, strates. On y entend moins un slogan qu’un dispositif sensible.
“I don’t have any specific methods — I always try to challenge myself and never feel content with a singular approach.” — Makaton
Les pièces, la poussière et l’aimant

Onze titres composent every.moment<repeat> : Nullos, Revolution Kiss, Devour, Everything You See You Want, Accomplice, Force Drift, As The Past Recedes, Dead Boys / Live Girls, Debris Field, Volvelle, every.moment<repeat>. Rien de décoratif : des noms comme des balises, parfois des menaces, souvent des feintes. On imagine des kicks secs, des champs magnétiques d’harmoniques, des nappes rabotées qui reviennent au point de départ pour y laisser une trace en plus, infime, décisive. La danse devient un acte de mémoire courte.
Birmingham, toujours… L’amont compte : l’héritage du « Black Country », la sueur des ateliers et l’écho de l’acier ont nourri cette techno rasante. Makaton l’a souvent expliqué : ce qui l’intéresse, c’est l’ouverture du genre, la possibilité d’y injecter des concepts, de l’impro, du bruit, des procédés tirés du studio puis trahis sur scène. Probability-based sequencing, prises de micros, synthèse EMS, verre broyé morphé en lignes mélodiques : un art du matériau brut, sans affectation. Et, surtout, une discipline : ne pas suivre la tendance, ne pas se contenter d’une méthode unique. every.moment<repeat> ne raconte pas tant un retour qu’une attention renouvelée. On y entre pour la frappe, on y reste pour les micro-écarts : une école de patience — et de vibrations — à l’heure courte.