LP Philip Glass- The Complete Piano Etudes

Philip Glass: The Complete Piano Études ; la clarté du vertige selon Vanessa Wagner

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Ce n’est pas un simple enregistrement. C’est une traversée. Avec cette intégrale des Études de Philip Glass, Vanessa Wagner livre un geste artistique d’une rare intensité : une lecture habitée, précise, presque physique, où la mécanique du minimalisme devient souffle, où chaque répétition se mue en battement intime

Sous ses doigts, la musique de Glass s’éloigne des clichés d’un minimalisme froid ou hypnotique : Vanessa Wagner respire, hésite, éclaire. Cette intégrale, parue le 10 octobre 2025 chez InFiné, condense trente ans de dialogue entre deux voix singulières, celle du compositeur américain et celle de la pianiste française, figure passerelle entre piano, répertoire classique et création contemporaine…

Les lignes de fuite du minimalisme

Photo Vanessa Wagner
Vanessa Wagner DR

Vanessa Wagner connaît bien Glass. Depuis plus d’une décennie, elle joue ses Études sur scène, cherchant leur respiration plutôt que leur rigueur métrique. Enregistrer l’intégrale relevait presque de la nécessité : « Après plus de dix ans de concerts avec cette musique, j’ai ressenti le besoin d’aller plus loin », confie-t-elle. Lauréate des Victoires de la musique en 1999, elle a toujours circulé entre les mondes : Mozart et Schubert d’un côté ; Murcof, Rone, Meredith Monk ou Caroline Shaw de l’autre. L’aventure Glass s’inscrit dans cette tension : unir précision et transe, intellect et émotion. Un cycle comme miroir du temps : Les Études de Glass couvrent vingt ans de création, des années 1990 à 2012. Les premières, plus épurées, travaillent la répétition comme un cristal ; les dernières s’ouvrent sur des harmonies mouvantes, presque romantiques. Wagner en révèle la trajectoire : la mue d’un compositeur qui, derrière la structure, cherche la lumière. Sa lecture joue sur l’équilibre entre rigueur et abandon. Chaque Étude devient un paysage : les pulsations sont des chemins, les silences, des clairières. On y perçoit ce que l’artiste nomme « le contrôle qui cède doucement », et ce lâcher-prise, précisément, fait naître l’émotion.

« Ce fut clairement un petit pas de côté » – Vanessa Wagner (Le Monde)

L’art d’enregistrer le souffle

Photo Vanessa Wagner
Vanessa Wagner DR

Capté à l’Auditorium de Vincennes sur un Yamaha CFX préparé par Vitaly Shumkin, l’album doit beaucoup à la prise de son de Cécile Lenoir et au mixage de Martin Antiphon : la clarté y est presque tactile, l’espace sonore, mesuré à l’haleine. La pianiste a choisi de ne pas écouter d’autres versions ; elle avance seule, avec la concentration d’une exploratrice. Ce refus du modèle rend l’ensemble singulier : ni trop lisse ni démonstratif, mais sensible, mobile, presque charnel. Les Études 1 à 20 y respirent dans un ordre qui souligne leur cohérence interne : un voyage d’introspection et de résistance douce. L’écoute longue comme bible. À l’heure du zapping sonore, Wagner propose une autre temporalité : celle de l’immersion.

L’écoute intégrale devient expérience méditative, exigeante, mais jamais sèche. Son interprétation rappelle que le minimalisme n’est pas un carcan ; c’est une forme de liberté, où chaque nuance compte. Et si cette intégrale marque une étape dans sa carrière, elle interroge aussi notre rapport à la durée, à l’attention, à la répétition. Entre rigueur et abandon, Vanessa Wagner signe ici un disque essentiel : un miroir des gestes, un espace de résonance intérieure. On en ressort apaisé, curieux, les oreilles grandes ouvertes vers ce que la lenteur peut encore révéler.

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