Après l’introspection de Sus Dog et Cave Dog, Clark remet les mains dans la ferraille. Avec Steep Stims, il signe un retour à la physicalité du son, au vertige des machines mal réglées. Une danse âpre, nourrie de contraintes et de lumière brute, là où la technologie devient instinct
Fidèle à sa manière, Clark n’a pas cherché le confort, il a choisi l’étincelle. Sur Steep Stims, chaque piste respire la poussière des vieilles machines, un Virus synthétiseur pour unique complice. De ces limites naît un disque assez paradoxal, sauvage mais précis, rugueux et d’une grâce presque naïve. Une célébration électronique du geste, de l’accident, de la sincérité…
Retour à la contrainte

Chris Clark n’est jamais resté longtemps dans la même pièce. L’homme de Clarence Park et Body Riddle s’était aventuré du côté des voix, des textures pop, des mélodies à visage humain. Le voilà qui revient aux circuits. « I used an old synth, the Virus… they’re a bit clunky to program but make some of my favourite sounds. » confie-t-il. Il parle de cette vieille bête avec la tendresse d’un bricoleur. L’idée est simple : retrouver la tension du geste immédiat. Composer sans filet, dans un espace où chaque erreur peut devenir un style. Le disque s’ouvre sur Gift and Wound, lumière orange et peur bleue. Les basses rampent, la mélodie hésite, puis tout explose. Infinite Roller poursuit sur une ligne de fuite : une pulsation minimale, traversée de vagues métalliques. Clark ne cherche pas la propreté, il veut la sensation. Steep Stims est un album de club, oui, mais pas au sens hédoniste. C’est une danse qui pense. Le groove comme résistance, la transe comme concentration.
« I love it when electronic music feels more naturalistic than acoustic music, more potent – that’s the devil’s trick, the promise of electronic music. » – Chris Clark
Entre deux mondes

Certains morceaux s’éloignent du dancefloor. 18EDO Bailiff nous suspend dans une clairière sonore ; un piano désaccordé à 18 notes, hanté par le souvenir des premiers enregistrements sur disquette. Clark raconte : « Most of the tracks capture the spirit of making music on old samplers, which didn’t have much memory time. » Ce minimalisme imposé devient son langage, composer avec peu, pour dire plus. Et dans cette économie du moyen, tout respire, les nappes, les silences comme les craquements. Beauté du chaos : vers la fin, Negation Loop déraille avec panache. La voix de Clark, transformée, guide des éclats de trance cassée et de bandes magnétiques saturées. Puis Micro Lyf s’éteint lentement, laissant place au souffle du monde, des oiseaux, des pas, un vide habité. C’est là que réside la beauté du disque : dans cette oscillation entre la furie et le calme, entre la matière brute et l’air libre. Steep Stims brûle comme une bougie inversée ; la cire fond à l’intérieur. Avec Steep Stims, Clark ne revient pas en arrière, il tourne autour du feu, son électronique n’est ni rétro ni futuriste, elle est vivante. Et dans ce battement, quelque part entre la salle et la nuit, la machine aussi, parfois, respire…



