LP Werkstatt-Konzert

Berlin, un piano usé, un moment : « Werkstatt-Konzert », de Nebel lang

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Un piano droit sauvé de l’oubli, un atelier de vélos à Friedrichshain-Kreuzberg, quelques dizaines de chaises rapprochées. À Berlin, un concert improvisé de Nebel lang raconte, mieux que n’importe quel discours, ce que Home Normal continue de défendre : une musique qui existe par le lien, pas par l’infrastructure

À l’origine, un mail. Puis un piano fatigué, déplacé à la main. Enfin, un concert décidé presque à la dernière minute. Ce qui pourrait passer pour une anecdote révèle en réalité un écosystème discret mais actif, où la création repose autant sur ceux qui jouent que sur ceux qui rendent l’instant possible…

Un piano, pas un monument

Photo Nebel Lang
Nebel Lang DR

Auditeur attentif, proche de l’univers Home Normal, Nebel lang pose une question simple : serait-il envisageable de jouer à Berlin s’il parvient à trouver un piano ? La réponse est positive. Une seule condition est posée, pas de piano à queue. Pas d’objet spectaculaire. Un instrument ancien, imparfait, qui a déjà vécu. Cette exigence n’est pas anecdotique. Elle dit quelque chose d’une esthétique, mais surtout d’une éthique, préférer l’usage à la démonstration, la fragilité à la brillance.

Le piano apparaît rapidement. Un piano droit, longtemps utilisé dans un foyer de jeunes. Trop joué, devenu encombrant, finalement donné. Sebastian et ses collègues le transportent jusqu’à leur lieu de travail : un atelier de fabrication de vélos, à Friedrichshain-Kreuzberg. Rien d’un espace culturel au sens classique. Pas de scène, pas de traitement acoustique, pas de dispositif prévu pour accueillir un concert. Juste un volume, des murs, des outils, et la possibilité d’y faire entrer autre chose.

« My answer was positive, requesting only that it would not be a grand piano, but rather an old piano longing for some affection. » Nebel lang

Décider vite, jouer juste

Photo Nebel Lang
Nebel Lang DR

L’accordage n’est pas terminé que la décision est prise. Le concert aura lieu le lendemain, dans l’atelier. Ce choix du presque-rien, presque prêt, presque improvisé, crée une tension douce. Le moment n’est pas reproductible. Il tient à peu de choses. Le soir venu, toutes les chaises autour du piano sont occupées. Les auditeurs écoutent avec attention, sans captation massive, sans mise en scène. Une écoute concentrée, presque physique. Ce que Home Normal continue d’activer. Ce type de soirée éclaire ce qu’est Home Normal, au-delà de son catalogue : un réseau d’affinités. Un ensemble de gestes. Une circulation lente mais réelle entre artistes, auditeurs, lieux, situations.

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Ici, la musique ne “tourne” pas au sens industriel. Elle circule autrement. Par confiance. Par hospitalité. Par des personnes qui déplacent un piano, ouvrent un atelier, installent des chaises. Sans attente de retour. Sans logique de rendement. Une force discrète : ce texte s’adresse à tous les “Sebastian”. À celles et ceux qui, loin des projecteurs, permettent à la musique d’exister dans des espaces non prévus pour elle. À ceux qui considèrent encore l’écoute comme une expérience partagée, et non comme un flux. Dans un paysage saturé de contenus, ces micro-événements rappellent une chose simple : parfois, il suffit d’un instrument fatigué et d’un lieu ouvert pour que quelque chose ait lieu.

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