LP Shikoku Tape

« Shikoku Tape » : le voyage magnétique d’Orion Moustache

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Avec Shikoku Tape, Orion Moustache poursuit son travail sur l’écoute lente et située. Publié chez Noorden en cassette limitée, doublée en temps réel sur bande Type-II chrome, l’album capte des fragments sonores collectés sur l’île japonaise de Shikoku, puis les laisse se transformer. Ici, pas de folklore ni d’exotisme sonore : seulement des lieux, du temps, et une attention aiguë portée aux micro-variations

Entre field recordings autonomes, traitements génératifs et mélodies discrètes, Shikoku Tape marque une évolution mesurée dans la discographie d’Orion Moustache. Un disque ambient qui ne cherche pas à guider l’auditeur, mais à lui laisser l’espace nécessaire pour projeter ses propres paysages. Une œuvre de seuil, plus ouverte, sans renier ses origines et son exigence ; Orion Moustache enregistre le temps qui passe, pas les cartes postales…

Une géographie de l’écoute

K7 Orion Moustache
Orion Moustache DR

Shikoku n’est pas ici un décor. C’est une matière. Les enregistrements de terrain réalisés par Lasse Müller servent de point de départ à huit pièces longues, pensées comme des environnements plutôt que comme des compositions linéaires. Les sons captés, vents, résonances diffuses, textures ambiantes, ne sont ni illustratifs ni anecdotiques. Ils agissent comme des flux continus, dans lesquels l’auditeur est invité à circuler sans balises.

Sons auto-génératifs et abandon du contrôle… Une part essentielle du disque repose sur des chaînes d’effets déclenchées par leur propre signal audio. Delays, réverbes et résonateurs ne viennent pas décorer la matière sonore : ils la transforment, la prolongent, parfois la débordent. Ce choix technique produit une musique qui semble se développer d’elle-même, avec des montées lentes, des tensions diffuses, et une sensation constante de mouvement interne. Rien de spectaculaire, tout est affaire de patience.

« I hope that listeners will be able to dive into the soundscapes and picture their own space through the music while appreciating the specific sonic qualities of each recording. » Orion Moustache

Quand la mélodie accepte de revenir

K7 Orion Moustache
Orion Moustache DR

Pour la première fois de manière aussi assumée, des lignes mélodiques émergent. Elles restent sobres, souvent en retrait, mais modifient l’équilibre général. Exit la guitare : ce sont ici des synthétiseurs, Liquid Foam, Take Five, MicroFreak, et un Fender Rhodes qui apportent ces points d’ancrage. Ces éléments ne recentrent pas la musique sur un discours émotionnel appuyé, mais ouvrent des zones de familiarité, presque tactiles, au sein des nappes évolutives.

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Un objet cohérent jusqu’au support. Le choix de la cassette, doublée en temps réel, n’est pas anecdotique. Il prolonge l’esthétique du projet : temporalité non compressée, imperfections légères, écoute engagée. Le travail visuel et photographique de Müller, sobre et précis, complète cette logique d’ensemble. Shikoku Tape se tient comme un tout, sans surlignage inutile. Shikoku Tape ne cherche pas à impressionner. Il propose autre chose, plus rare : un espace d’écoute stable, ouvert, et profondément respectueux du temps de l’auditeur. Un disque qui ne se consomme pas, mais se traverse, et qui confirme Orion Moustache comme un artisan attentif des musiques environnementales contemporaines, sans posture ni nostalgie.

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