Fridges, bips, klaxons et haut-parleurs automatiques : sur Normal Sounds, la violoncelliste et artiste sonore Lia Kohl capture et réinvente les sons humains non-musicaux du quotidien, entre textures subtiles et dialogues ludiques ; une ode à l’écoute attentive
Paru le 30 août 2024, Normal Sounds de Lia Kohl assemble des enregistrements de terrain issus du monde urbain et des machines : alarmes, outils, voix automatisées… Rehaussés de violoncelle, de synthés et des souffles de Ka Baird et Patrick Shiroishi, ces bruits deviennent matière musicale, des pièces ambient. Dans la continuité de ses travaux radiophoniques, Kohl transforme le banal en beauté sonore et nous invite à écouter autrement…
Écouter autrement

Il est facile de trouver la beauté dans les sons de la nature – le ressac, les oiseaux, la pluie. Mais qu’en est-il des drones de frigo, des bips de supermarché ou des annonces d’aéroport ? Avec Normal Sounds, paru le 30 août 2024, Lia Kohl nous tend l’oreille comme on tend un miroir : ce que nous ignorons, elle l’écoute, le recueille, le transforme.
L’album s’inscrit dans la lignée de ses précédentes pièces (The Ceiling Reposes, Untitled Radio, Variations on a Topography) où les bandes FM devenaient des textures mouvantes. Ici, le matériau est plus terrestre, plus mécanique – mais tout aussi vibrant. Des sons utilitaires (sirène d’alerte, alarme de voiture), des injonctions robotiques (“please take your receipt”), des drones involontaires (ventilation, néon) sont saisis sur le vif entre Chicago, Boston, le Wisconsin et Los Angeles, puis agencés avec délicatesse.
“Une pratique de l’attention, une tentative d’être plus vivante.” – Lia Kohl
L’art de la mimèsis
Kohl ne se contente pas de juxtaposer. Elle dialogue avec les sons, les harmonise, les imite. Un grésillement devient base rythmique, un klaxon trouve son alter ego dans le saxophone espiègle de Patrick Shiroishi (piste 6). Son violoncelle, toujours en filigrane, tisse un cocon autour de ces fragments du réel, parfois rejoint par Ka Baird (piste 2) et ses souffles libres.
Il y a dans ce geste une forme de spiritualité discrète : écouter ce que personne n’écoute, comme une discipline, un engagement. “Une manière d’être plus vivante”, dit-elle. Et Normal Sounds nous rappelle à cette vie-là – faite de signaux, d’interférences, de traces sonores qui, sous une autre lumière, deviennent musique. Avec Normal Sounds, Lia Kohl ne compose pas seulement avec le monde : elle nous apprend à l’écouter autrement.