Le duo londonien Snowpoet a sorti Heartstrings, un album à fleur de peau, composé collectivement pour la première fois. Entre jazz de chambre, textures électroniques et poésie incarnée, ce disque élargit la palette du groupe et électrise ses fondations. Une œuvre dense, mais lumineuse et intime, où chaque note semble jouée pour saisir l’instant, et chaque mot écrit pour ne pas tricher
Avec Heartstrings, Snowpoet signe son album le plus ambitieux et personnel à ce jour. Emmené par Lauren Kinsella et Chris Hyson, le projet se réinvente en ouvrant le processus de création à l’ensemble du groupe, captant l’énergie du live en studio. Résultat : un disque organique, vibrant, qui explore la fragilité humaine avec un soin rare. À la croisée des musiques électroniques, du jazz contemporain et de la pop minimaliste, l’album trace une ligne claire : celle d’un son incarné, libre, généreux. Un tournant qui pourrait bien ouvrir à Snowpoet un public plus large, sans trahir leur exigence initiale. Avec Heartstrings, Snowpoet réussit le pari rare de grandir sans se perdre, de s’ouvrir sans se diluer. Un disque sincère et habité, à écouter comme on lit un journal intime bien écrit : avec respect, curiosité, et un peu d’amour en retour…
Improviser, enregistrer, exister
Fini les sessions en pointillés, les maquettes étirées sur des mois. Pour ce quatrième opus, Snowpoet a plongé dans une méthode presque radicale : composer et enregistrer en temps réel, à plusieurs, dans une dynamique de présence absolue. “Nous voulions capter le moment, créer quelque chose de réel, sans filtre”, explique Chris Hyson. Le disque s’en ressent immédiatement. Dès les premières secondes, Heartstrings respire, palpite, vacille. Une sensation d’urgence douce y court en filigrane, comme si chaque arrangement naissait sous nos oreilles. Improvisation et précision ne s’excluent plus : elles cohabitent.
Loin de l’épure presque contemplative de leurs débuts, Heartstrings embrasse des textures plus vastes. Le duo s’entoure de synthés analogiques, de couches vocales empilées comme des brumes, de batteries traitées avec soin. Le son est chaud, ample, parfois cinématographique. Les éléments électroniques n’étouffent jamais l’humain : ils l’amplifient. Kinsella, plus expressive que jamais, promène sa voix entre murmures, éclats mélodiques et spoken word éthéré. Le disque oscille entre acoustique et digital, sans jamais perdre sa cohérence.
“On ne peut pas mentir quand on joue ensemble dans la même pièce. Cet album, c’est notre vérité à tous, au moment où on l’a vécue.” — Lauren Kinsella
Des cordes sensibles au bord du cœur
Il y a dans cet album une vulnérabilité assumée, mais maîtrisée. Host explore le chagrin et l’empathie corporelle, tandis que New Tree propose une renaissance apaisée, presque solaire. Le choix du titre, Heartstrings, n’a rien d’anodin : on pense à ces cordes du cœur qui vibrent malgré nous, à cette musique intérieure que chacun porte en soi. Snowpoet l’extériorise avec justesse, dans un équilibre rare entre introspection et partage. Rien n’est larmoyant, tout est tendu vers une émotion juste.
La scène anglaise est un laboratoire d’émotions. Avec ce disque, Snowpoet s’affirme comme l’un des projets les plus singuliers de la scène jazz-électronica britannique. Ni tout à fait jazz, ni pop, ni ambient, leur son hybride s’inscrit dans une lignée qui va de Portico Quartet à The Cinematic Orchestra, en passant par les expérimentations de Leafcutter John ou Emma-Jean Thackray. Mais c’est bien leur approche collective, presque artisanale, qui les distingue aujourd’hui. Heartstrings n’est pas une œuvre de studio figée : c’est un organisme vivant, poreux, en expansion.
