Avec ce nouvel épisode de la série Mastermix, le vétéran berlinois n’offre pas un simple mix : il livre un état d’esprit, une histoire de corps en mouvement et de mémoire vive du dancefloor
Né dans l’ex-RDA et façonné par l’onde post-punk avant de devenir pilier de Berghain, Marcel Dettmann s’attaque au Mastermix de Running Back avec des edits personnels ciselés, reliant Chicago, Detroit, EBM, techno industrielle et éclats de pop synthétique dans une conversation jamais interrompue avec le dancefloor. Au-delà de l’objet collector, triple LP gatefold et cassette en édition limitée, ce mix est un portrait en action de Dettmann, qui offre aux diggers, aux danseurs et aux curieux un voyage taillé pour secouer les nuits et questionner notre rapport au club. À l’horizon : le legs discret d’un DJ qui danse encore avec nous, disque après disque…
Berlin Calling

Le décor, c’est toujours un club… DJ depuis 1993, Marcel Dettmann a survécu à toutes les transitions : la chute du Mur, le passage des vinyles aux clés USB, le Berghain devenu mythe. Cependant, ce Mastermix n’est pas un monument figé. Il prend la forme d’un objet simple : trois disques, une cassette, une bande passante, et la conviction que la danse reste une urgence. Ce mix, c’est Dettmann qui rouvre sa malle de “secret weapons”, des edits maison, longtemps testés dans la brume épaisse des nuits berlinoises, et qu’il nous offre avec une précision brutale et habitée.
Loin de l’idée d’un “best of”, ce Mastermix réinvente la fonction même de la compilation : Identified Patient se transforme en freakout de peak-time, Cristian Vogel de 1995 ressurgit avec l’élan d’un classique intemporel, tandis que le Dirty Pixie de Clark se fait subtilement plus tranchant. La tension entre le corps et l’esprit, le groove et le grain, reste le fil conducteur : chaque edit est une respiration, et chaque coup de « hi hat » sonne comme une invitation. Il y a la mémoire des clubs perdus, des matinées blafardes à la sortie, et ce moment où l’on se demande pourquoi l’on danse encore. Probablement parce qu’un beat bien placé peut suffire.
“Je n’ai jamais cessé de danser, même quand je me suis assis pour écouter.” – Marcel Dettmann
Lignes d’ombre et flashs de lumière

Le deuxième segment du Mastermix bascule dans un dialogue entre EBM et techno industrielle. Severed Heads, Nitzer Ebb, Yello sont convoqués, non pas comme des reliques, mais plutôt comme des alliés dans cette conversation infinie qu’entretient Dettmann avec le dancefloor. Ce n’est pas un DJ qui regarde le passé, mais un danseur qui convoque les ombres pour en faire des lignes de lumière. Les réarrangements, sobres mais incisifs, montrent la maîtrise de Dettmann dans cet art délicat : rester fidèle tout en déplaçant le contexte, préserver le souffle d’origine tout en l’ancrant dans le présent des clubs.
La dernière section est une boucle élégante : de Frank Duval à Ian North, de Ford Proco à K-Alexi Shelby, jusqu’à Conrad Schnitzler et ses synthés spirales. Dettmann resserre les vis sans trahir les intentions initiales, “en conversation avec l’original”. Le résultat est limpide : trente ans de danse, résumés en un geste, un souffle, une pulsation. Plus qu’une collection pour diggers, ce Mastermix est un passeport vers un club imaginaire où Dettmann, sans un mot, nous fait signe de le suivre, et le disque tourne encore ; parce qu’au fond, le dernier disque ne s’arrête jamais.
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