Trente ans après avoir capté l’essence de la techno avec Live At Liquid Room – Tokyo, Jeff Mills reprend la route. Non pas qu’il l’ait quittée — le “Wizard” n’a jamais cessé de parcourir les scènes du monde. Mais cette fois, la tournée dialogue directement avec ce disque-phare de 1995, devenu une référence incontournable
Plus qu’un simple anniversaire, cette tournée ravive la puissance brute d’une époque charnière et inscrit donc le passé dans le présent. Elle rappelle qu’un enregistrement peut devenir un repère, presque une déclaration d’intentions. Mills ne se contente évidemment pas de rejouer la scène : il ouvre un passage entre mémoire et futur. Derrière le vinyle et les bandes magnétiques, il questionne encore notre manière d’habiter la techno, et plus largement dance music…
Une pièce maîtresse de l’histoire techno
Live At Liquid Room – Tokyo DR
Enregistré à Tokyo en 1995, Live At Liquid Room – Tokyo s’est imposé comme un jalon, une archive vivante de l’énergie brute des clubs. Trois platines, une sélection à couper le souffle, des transitions fulgurantes, un souffle qui ne s’essouffle pas, un enregistrement culte qui a façonné l’imaginaire des raves. Au fil des décennies, l’album est devenu une œuvre-phare, une pierre angulaire, souvent cité parmi les meilleures captures de l’énergie techno en live.
Un retour pensé comme une transmission : si Jeff Mills, l’une des légendes de la techno de Detroit, tourne sans relâche depuis plus de trente ans, cette série de dates a une portée singulière : elle réactive un moment précis de sa trajectoire. Londres, Osaka, Tokyo, Hong Kong, Paris… Chaque escale met en avant le lien entre un lieu, une époque et l’écho encore vibrant de 1995. Chaque date devient un rituel de transmission, où se croise le public d’hier et celui d’aujourd’hui, tous convoqués par l’aura du “Wizard”.
« Je voulais quelque chose qui marquerait la fin et le début d’autre chose. Une nouvelle façon de penser la dance music. » — Jeff Mills
Jeff Mills DR
L’écran comme double de la scène
Live At Liquid Room – Tokyo DR
Particularité des shows de Londres et Paris : la projection d’un film avec des images inédites du set de 1995. Un miroir temporel qui brouille les frontières entre la mémoire analogique et l’expérience live. Un dispositif qui brouille les lignes entre hier et aujourd’hui, et qui souligne le caractère fondateur de ce live. Comme si la techno, elle aussi, pouvait se voir en palimpseste. Mills ne se replie pas sur la nostalgie : il prolonge un questionnement. En 1995 déjà, il élevait la techno en étendard d’une nouvelle façon de penser, et cherchait à redéfinir la musique électronique.
En 2025, il continue d’explorer d’autres chemins, fidèle à son instinct de pionnier qui conçoit la musique comme un flux, jamais une relique. Il nous pousse encore à interroger nos manières de danser, d’écouter, de partager. Un continuum où la techno n’est jamais fixée, toujours en mutation. Une tournée qui rappelle que la techno, dans sa forme la plus visionnaire, ne se fige pas : elle se rejoue, s’invente et continue de tracer des horizons.