Sous l’alias Fenny Compton, Avi C. Engel publie Mote, un disque qui déconstruit l’idée même de chanson folk. Voix nue, guitare acoustique et silences habités : ici, la fragilité se fait langage, et l’indéfini devient un territoire
Huit pièces suspendues où chaque souffle est une note et chaque pause une révélation. Engel brouille les repères du songwriting classique pour approcher une forme folk poétique, proche du fragment, du murmure. Avec Mote, la chanson se rapproche du poème, et le poème de l’expérience sonore…
Entre éclats et effacement

Avi C. Engel, que les fidèles de Houz-Motik connaissent déjà sous l’identité Clara Engel, n’en est pas à sa première apparition dans nos pages. Nous avions évoqué son disque Undergrowth (2022) comme une « évolution par l’abandon » — une plongée dans l’essentiel, une façon de dépouiller la chanson jusqu’à son noyau vivant. Avec Mote, l’artiste poursuit ce chemin de fragilité assumée et d’introspection lumineuse, en brouillant toujours plus les frontières entre folk, poésie sonore et ambient intime. Engel ne suit pas le canevas couplet–refrain : il tisse des strophes comme on dessine des ombres. Le fil est ténu mais résistant. La voix, fragile et claire, navigue entre présence et effacement. Silences sculptés : la guitare acoustique domine, parfois rejointe par clarinette, mélodica ou effets. Le silence prend autant de place que le son, comme une matière à part entière. La retenue devient tension.
« On écoute Mote comme on observe une flamme vacillante : la beauté est dans l’instabilité, dans ce fragile équilibre entre voix, silence et résonance. » — Michèle Mabelle (Houz-Motik)
Images en suspension

Les textes invoquent créatures nocturnes et paysages intérieurs. L’artwork, travaillé en photographie, prolonge ce geste de brouillage : les contours s’y dissolvent, laissant la place aux halos, aux formes incertaines. Pour les auditeurs attentifs, Mote n’a pas vocation à séduire d’emblée. Il s’adresse aux auditeurs qui aiment les zones grises, les seuils, les écoutes nocturnes. Sa sortie en éditions limitées renforce ce caractère précieux, presque confidentiel. Un disque qui cultive la discretion, qui demande patience et écoute, mais dont l’écho demeure longtemps après la dernière note. Dans un fragment de nuit, Mote est une lumière fragile que l’on garde chaleureusement en mémoire.