Danseur, chorégraphe, producteur : Coflo ne se contente pas de faire bouger la musique, il la fait respirer. Avec Who The Frequency EP, l’artiste californien prouve une nouvelle fois que la house la plus percussive garde ses racines dans le corps et ses vibrations dans la peau
Porté par quatre titres où se croisent rythmes afro, syncopes deep et voix habitées de Rawb Boss, Coflo tisse un pont entre la physicalité du dancefloor et l’intimité de l’écoute. Cet EP confirme une écriture sonore organique, héritée autant de la capoeira que des clubs, et trace des perspectives d’avenir pour une house qui dialogue sans cesse avec ses racines culturelles…
Les percussions comme moteur vital

Chez Coflo, la percussion n’est jamais un simple ornement : c’est le moteur vital ! Sur Yewnite, ouverture de l’EP, les frappes résonnent comme des pas de danse enregistrés en direct, donnant au morceau une pulsation à la fois instinctive et raffinée. La house y prend la forme d’une conversation corporelle, une énergie que l’on sent immédiatement prête à se déployer sur un dancefloor. Les deux titres suivants s’appuient sur la présence magnétique de Rawb Boss. Sur Who The Frequency, la voix devient guide spirituel, presque chamanique, dans un décor sonore où nappes et beats se chevauchent. Ring The Alarm prolonge ce dialogue avec une intensité plus marquée, comme un appel collectif à la danse. Ces morceaux rappellent que la house, au-delà des machines, reste affaire de voix, de souffle et d’incarnation.
Héritages et métissages

L’expérience de Coflo en capoeira se devine dans les syncopes, les contre-temps et la fluidité des changements de rythme. Cette pratique, où le corps est musique, se retrouve transposée dans sa façon de composer : un équilibre permanent entre tension et relâchement, discipline et liberté. Dans Yapperz, l’EP se conclut avec une approche plus abstraite, presque ludique, qui montre combien l’artiste aime détourner les codes sans jamais les perdre de vue. Sortir cet EP chez Freerange Records n’est pas anodin : le label londonien, fondé au milieu des années 1990 par Jimpster et Tom Roberts, est l’un des piliers de la deep house moderne. Toujours attentif à marier exigence sonore et ouverture culturelle, Freerange a accompagné des artistes comme Shur-I-Kan, Dam Swindle (ex Detroit Swindle) ou Manuel Tur. L’arrivée de Coflo dans ce catalogue prolonge cette histoire, celle d’une maison qui reste fidèle à l’esprit underground tout en captant l’air du temps.
« Pour moi, la danse et la musique ne font qu’un. Chaque morceau est une extension du mouvement » — Coflo
De la danse au studio : une lignée d’artistes

Coflo s’inscrit aussi dans une filiation plus large : celle d’artistes pour qui la danse est matrice de la composition. Kaidi Tatham, issu du broken beat londonien, ou Osunlade, musicien et chorégraphe lié aux rites yoruba, ont eux aussi transposé leur rapport corporel à la musique dans des productions marquées par le groove et la spiritualité. Chez Coflo, cette passerelle prend des allures de manifeste personnel : transformer chaque mouvement en son, chaque respiration en pulsation. Une scène américaine en pleine vitalité : l’approche de Coflo résonne aussi avec une scène américaine actuelle foisonnante.
De Kai Alcé à Atlanta, gardien d’une deep house soulful, à Djeff, qui relie Lisbonne et New York autour de rythmes afro-électroniques, jusqu’à Ron Trent, figure de Chicago qui continue de défendre une vision spirituelle et organique de la house : tous contribuent à maintenir ce lien entre corps, héritages et dancefloor. Coflo, avec son identité hybride et percussive, trouve naturellement sa place dans ce paysage en mouvement. À travers son EP Who The Frequency, Coflo rappelle que la house est un territoire de chair et de sueur autant que de machines et de textures. Une musique qui parle d’abord aux jambes, mais qui finit toujours par toucher l’âme.
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