Enregistré en une journée, capturé au studio Public Records à Brooklyn le 6 août 2022, cet album trace les contours d’un musicien en pleine effervescence créative. Sam Wilkes y déploie une écriture personnelle, son jeu de basse affûté et un collectif resserré ; colonne vertébrale d’un son aussi limpide que foisonnant
Public Records Performance, de Sam Wilkes, marque un jalon : celui d’un compositeur-bassiste qui conjugue rythmes, mélodies et textures, intégrant jazz, rock, ambient et pop avec une fluidité rare. Le disque invite autant à l’écoute contemplative qu’à l’immersion rythmique. Perspective ouverte vers l’avenir : quel pourrait être le prochain tournant de cette musique en mutation constante ?
Enregistrement live en studio

L’idée d’un enregistrement quasi live, en studio, paraît simple mais exigeante. Selon la fiche de l’album : « captured on August 6th, 2022 at Public Records in Brooklyn, New York ». La contrainte temporelle tranche avec la production « à tiroirs ». Elle offre une immédiateté, une urgence contenue. Wilkes a déjà exprimé son goût du document : « I like to record every gig… ». Ici, ce goût se transforme en architecture : un groupe soudé, un enregistrement unique, une unité de temps-lieu. On apprécie l’instantanéité ; mais aussi la liberté que cela procure : le relief des interactions entre basse, guitare, claviers et batterie. Le risque était de figer des idées inabouties. Il est adouci par l’expérience de Wilkes.
Syncrétisme et songbook contemporain ? Le propos est explicite : « debuts a dynamic set of new originals and arrangements, presenting a window into his syncretic approach to an ever-expanding contemporary songbook ». Cela signifie qu’il ne se contente pas de composer dans une case, mais qu’il fusionne des langages : songcraft, arrangements, improvisation, pour dessiner une musique en expansion. On y reconnaît des éléments jazz, rock, ambient, mais aussi un sens du groove et de la chanson. Le terme « songbook » est presque provocateur pour un album instrumental, il pose l’idée que chaque morceau tient comme une « chanson contemporaine », malgré ou plutôt grâce à ses vecteurs instrumentaux. Le profil de Wilkes, bassiste-leader, renverse modestement la hiérarchie : la basse n’est plus seulement l’accompagnatrice, elle porte.
« I like to record every gig… It’s just been something that has kind of been happening very naturally for me since I started playing music regularly » – Sam Wilkes
Le collectif, la basse, le solo

Le casting est précis : Wilkes à la Fender Bass, Will Graefe guitare acoustique & électrique, Aidan Lombard claviers & guitare, Craig Weinrib batterie (& guitare), Shahzad Ismaily Moog Rogue sur le dernier titre. On saisit le soin apporté à la cohésion : ce n’est pas un simple « backing-band », mais un « tight and communicative unit ». La basse de Wilkes n’est pas isolée dans un rôle de groove seul : elle dialogue, s’élève, bâtit des ponts entre solo et ensemble. On entend – selon des critiques précédentes -–que Wilkes « is known … for the beauty of his instrumental sound ». Le son de sa basse, la texture, le toucher, participent autant que l’écriture.
Le disque ne tombe pas de nulle part. À peine après avoir enregistré le duo The Doober (avec Sam Gendel) et les parties de basse sur Nothing de Louis Cole, l’album de Wilkes s’impose comme document d’un artiste en phase d’expansion. Quand on scrute le parcours, on y lit cette énergie : « at the height of a prolific streak ». L’album dure 24 minutes environ, pour 7 morceaux. Cette concision ne diminue pas l’ampleur ; au contraire, elle donne à l’écoute l’impression d’un instant intense, sans digression inutile. Cet album ne promet pas simplement un moment agréable à l’écoute ; il ouvre une fenêtre sur un musicien qui explore, qui module, qui questionne ses propres outils. Une chose est certaine, sa trajectoire mérite d’être suivie.