Clelia Vega en a parcouru des kilomètres intérieurs, des instants suspendus et des bifurcations que l’on remarque à peine. Avec This ! Was The Road, on marche, on écoute et l’on oublie pas de respirer. Onze titres comme autant d’étapes, d’haltes furtives, de routes à peine tracées et de refuges, parfois. Un itinéraire musical singulier, simple et sans complexe dans les difficultés, léger comme un souffle, dense comme l’ombre d’un souvenir
Sorti le 24 octobre 2025, l’album This ! Was The Road de Clelia Vega est un récit sensible, amour, force, fragilité, solitude, mémoire, début, fin. On y chemine aux côtés de l’artiste. L’opus a pris forme sur une longue période, enregistré en divers lieux, modelé par l’errance et la recherche. Il s’adresse à celle ou celui qui écoute seul.e, à fond dans la voiture, ou au casque dans le bus ou dans le bain. Il se niche dans les trajets, dans les états, dans les corps qui bougent et ceux qui demeurent. This ! Was The Road est une invitation à porter cet album avec soi et à le partager…
Village-routes et paysages intérieurs

Dès le titre d’ouverture Velvet Mountain, on se laisse happer par une atmosphère à la fois flottante et incarnée. Cet équilibre fragile : on entre dans le décor comme on entre dans soi. On entend le violoncelle de Chloé Girodon, déjà, porteur d’une présence presque visuelle. Les guitares-couteau-suisse de Rity Mabon apportent des contours, des lisières, l’impression que la route glisse sous les pneus et dans les pensées ; le mouvement est continu mais jamais mécanique.
Collisions et réminiscences ? Le morceau Cicero, suivi de Warm Waters, donnent à entendre des zones d’ombre et de lumière, des eaux qui lavent et des voix, notamment celle de James P. Honey, qui effleurent la peau. On perçoit la tension entre solitude et partage : « un morceau de vie. Un bout de ma route », écrit l’artiste. Cette dualité accompagne l’album. Le cheminement n’est jamais lisse. Il se plie, se tord, se déploie. On y décèle les instants de mémoire, les fins inachevées, les débuts incertains ; on s’y trouve, puis on s’en éloigne.
« On reçoit un instant et on le donne à marcher, c’est peut-être cela, écrire une chanson. » – Clelia Vega
Horizons incertains & abandon volontaire

L’album flirte avec les genres, folk élargi, trip-hop, indie, et explore ces marges comme autant de routes secondaires. La batterie aérienne de Thomas Brousmiche apporte un souffle, un rythme qui ne presse pas mais qui avance. Et le magicien Cyesm n’est jamais très loin, travaillant dans l’ombre, glissant des motifs, des textures et des interstices. Arriver, repartir, laisser-aller… L’ultime titre Solarium II referme le chemin, mais laisse la route ouverte ; il y a dans cet album le sentiment du « fini » mais aussi de « ce qui reste après ».
On entend les voix qui partagent (Good Friends), les territoires de l’électrique (The Field That is Electric), les zones d’entre-deux (Between the Sea & the East River), les limites floues sur nos capacité à poursuivre ou abandonner (Entre Chien et Loup). La pochette, photographiée par Pascal Boudet, est un visage de la route, pas de destination, mais un passage. On partage un moment. On reprend son souffle. On repart. Voici donc un voyage à porter avec soi. Simple dans sa formulation, profonde dans sa tessiture, laissez-vous embarquer sur la route de Clelia Vega. Elle ne promet pas toujours la lumière, mais elle promet le mouvement, et parfois, c’est tout ce dont on a besoin.


