Dans Cavejaz, le guitariste carioca Fabiano do Nascimento entremêle nylon-cordes étendues, percussions faites main et atmosphères d’enregistrement diluées entre Belo Horizonte, Tokyo et Los Angeles. Un disque où l’intime, l’expérimental et l’héritage brésilien se tiennent dans une fragilité maîtrisée
Entre improvisation libre et minimalisme raffiné, Cavejaz pense la guitare comme un objet de matière, de résonance, de temps suspendu. Dans des sessions marquées par la fumée des incendies au Brésil et la majesté d’un théâtre noh au Japon, Fabiano do Nascimento tisse un pont entre héritage afro-samba, choro, jazz et bricolage sonore. Résultat ? Une musique qui s’écoute autant qu’elle se ressent, et qui trouve sa cohérence dans la liberté contrôlée…
Le monde en écoute

La première pièce de Cavejaz ouvre comme un souffle de grotte, guitare multichaîne, espace réverbéré, percussions modérées. On est loin des formats samba-festifs habituels. Ici, la musique se construit dans le silence, l’attente, l’irrésolu. Le fait que le disque soit né en partie à Belo Horizonte, alors que les cieux étaient envahis par des incendies et de la fumée, n’est sans doute pas un détail. La restriction de session, l’obligation d’enfermement ont transformé l’urgence en productivité brute. « Leo would just hit record, and we would just play. » relate l’artiste, une phrase qui résonne comme un manifeste d’immédiateté.
Matières sonores, bricolages et héritages : la rencontre avec Paulo Santos (Uakti) impose une dimension singulière, percussions faites de matériaux recyclés, objets transformés en instruments, geste artisanal contre geste numérique. Associé à la guitare de Fabiano dans un esprit de musique minimale (un seul motif qui s’épanouit, se répète, respire), le dispositif épouse l’idée que moins est plus, un espace ouvert, une écoute active. Jennifer Souza, de son côté, introduit une voix discrète mais présente, un point d’accroche, un souffle humain au milieu de l’organique.
« We managed to have a good time still, and to enjoy recording the open and free ideas that would come up. » – Fabiano do Nascimento
Voyage et enregistrement

La seconde partie de l’album se déploie au Japon, dans un théâtre noh-gaku à Tokyo, un lieu chargé d’histoire et d’acoustique vivante, avec U-zhaan au tabla. Le contraste est saisissant : d’un côté, la fumée du Brésil et l’isolement de la session studio, de l’autre, la monumentalité d’un lieu ancien, la précision d’un contexte live. Enfin, une étape à Los Angeles avec Tiki Pasillas vient compléter le tableau. Ce morcellement spatial n’altère pas la cohérence de l’album ; au contraire, il la renforce en glissant le disque dans une dimension « globe-trotter », mais toujours centrée sur la guitare, la matière sonore, l’épure.
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Audition et perspectives ? Qui écoutera Cavejaz ? Celui ou celle qui cherche un disque de guitare empruntant la tradition brésilienne mais s’autorisant la liberté expérimentale. Quelque part entre le choro et l’ambient, entre le geste solo et le collectif bricolé. Pour le néophyte, le contact peut être déroutant : peu de grands refrains, peu d’effets commerciaux. Mais pour l’auditeur prêt à se laisser habiter, le voyage est fascinant. « Je n’ai jamais autant entendu le silence autour de la guitare », confiait Fabiano en interview. Cela repose sur des schémas observés. L’album ne promet pas le spectacle immédiat, mais l’immersion. Cavejaz * n’est pas une simple collection de morceaux, mais un parcours sonore, un dialogue entre l’utile et l’inutile, entre l’artisanat et l’héritage, entre l’intime et le monumental. En écoutant, laissez-vous entraîner dans cette grotte de cordes, de bois, d’air et de résonnance. Et peut-être y trouverez-vous votre propre espace suspendu.


