LP in cloudy states

In Cloudy States de Sontag Shogun : murmure des instants perdus

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Avec in cloudy states, sorti sur Youngbloods le 7 novembre 2025, Sontag Shogun poursuit son art de la fragilité sonore. Le trio new-yorkais tisse un disque de chambre pour piano, souffle et mémoire, où chaque note semble prête à s’effacer. Un projet à la fois intime et participatif, livré avec un livre à colorier, un poème et des pistes ouvertes à la réinterprétation

Avec in cloudy states, Sontag Shogun explore la mémoire comme un paysage sonore en perpétuelle dissolution. À partir d’un motif de piano conçu par Ian Temple, le trio new-yorkais tisse quatre pièces électroacoustiques où le souvenir se déforme, se répète et s’efface. Entre ambient, poésie et art participatif (le disque inclut un poème, un livre à colorier et des stems à remixer), l’ensemble offre une méditation sensible sur le temps qui passe et la beauté des choses qui s’évanouissent…

Entre effleurement et effacement

Photo Ian Temple
Ian Temple DR

Tout commence par une question posée par le pianiste Ian Temple : comment un motif peut-il se transformer sans perdre son âme ? Ce fil ténu, quelques notes jouées sur le piano de son enfance, devient la matrice d’une œuvre collective où la répétition se fait métamorphose. L’enregistrement initial, capté sur un simple mémo vocal, circule ensuite entre Jeremy Young et Jesse Perlstein. Ensemble, ils l’étirent, le compressent, le plient jusqu’à ce qu’il disparaisse presque sous la surface. Le résultat tient autant de la sculpture sonore que du journal intime.

L’éphémère comme matière : chaque morceau explore un état météorologique de la mémoire, brume, condensation, reflux. Les nappes électroniques s’y mêlent au piano, aux textures granuleuses et aux voix murmurées. Cette musique n’avance pas, elle s’évapore. Comme l’écrit Temple, « the more you try to hold on, the worse it is, and the worse off you are », tentative d’attraper le présent avant qu’il ne se dissipe. On pense parfois à Harold Budd ou à William Basinski, mais sans la gravité du deuil : ici, la perte se fait douceur.

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« The more you try to hold on, the worse it is, and the worse off you are ». – Ian Temple

Une œuvre à partager, à rejouer

Photo Sontag Shogun
Sontag Shogun DR

Ce qui distingue in cloudy states tient dans son ouverture : les auditeurs peuvent télécharger les pistes séparées pour recomposer leur propre version. Sontag Shogun transforme ainsi l’acte d’écoute en prolongement créatif. Le disque devient organisme vivant, voué à muter au fil des réinterprétations. Le trio signe également un poème et un livre à colorier illustré par Temple, prolongeant la matérialité du son par le geste et la couleur.

La lenteur comme forme de vérité : dans un monde où tout s’accélère, Sontag Shogun propose une résistance douce. Leur musique, suspendue entre analogique et digital, redonne à la lenteur sa valeur de révélation. On y entend non pas la nostalgie d’un passé figé, mais la trace vibrante de ce qui continue à se transformer. Le trio capte l’invisible, les frottements du temps, les silences des chambres, la respiration des souvenirs, et les rend palpables. In cloudy states n’est pas un simple disque d’ambient : c’est une invitation à écouter le passage du temps lui-même, à accepter l’altération comme une forme d’amour. Dans la grisaille, Sontag Shogun compose une lumière fragile, mais persistante.

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