Premier volume d’une série annoncée, Live (LL01) marque une nouvelle étape dans le parcours mouvant de Lifted, le projet mené par Matt Papich (Co La) et Max D (Future Times). Enregistré entre 2022 et 2025, l’album capture la vie intérieure de leurs compositions, entre répétitions et performances, là où les morceaux se déforment, se réinventent et se dissolvent dans le geste
Sur scène comme en studio, Lifted cultive une forme d’improvisation électronique rare, ni tout à fait club, ni tout à fait ambient, une musique en tension permanente entre architecture et effacement. Live (LL01) documente cette transition : les titres, détachés de leur forme d’origine, deviennent matière fluide entre les mains du duo. Un disque qui brouille les repères, et rappelle combien la musique électronique, lorsqu’elle s’écoute en mouvement, retrouve un souffle organique…
Le son comme matière vivante
Les cinq pièces qui composent Live (LL01) sont tirées de concerts et de sessions d’improvisation. Papich et Max D y manipulent les stems de leurs morceaux via deux lecteurs CDJ, sans plan préétabli, dans une sorte d’archéologie instantanée du son. Chaque version s’éloigne du modèle studio : les textures s’empilent, se fondent, se heurtent. On pense à Philip Jeck et à ses vinyles usés, mais transposés dans un environnement numérique, un cut-up digital, souple et tactile.
Loin de la performance linéaire, Lifted revendique le smush, ce mélange presque maladroit mais expressif des sons. Le duo “frotte” les sources, ralentit ou superpose des fragments qui deviennent méconnaissables, jusqu’à créer une forme d’équilibre instable, hypnotique. Dans cette friction, le temps se plie, les repères s’effacent, et le public perçoit davantage un flux qu’une chanson.
• À lire aussi sur Houz-Motik : Armé de son sax ambient, Blendreed présente ARMAUN
« I like the idea that recorded music can behave like a living thing, breathing differently each time you meet it ». – Matt Papich (The Quietus – 2023)
Les fantômes du studio
Chaque extrait porte la trace d’un passé : celui des musiciens invités (Motion Graphics, Jordan GCZ, Beatrice Dillon ou Will DiMaggio sur les albums précédents) dont les contributions, rééchantillonnées, ressurgissent comme des fantômes. Les sons familiers deviennent des apparitions : un motif de batterie glisse dans une autre mesure, un souffle de synthé s’étire jusqu’à l’abstraction. La performance devient mémoire vive. L’infini dans le geste : Lifted envisage ce disque comme le début d’une archive ouverte.
Rien n’est figé, tout peut être repris, transformé. Le duo fait du live un espace d’expérimentation continue, là où la musique électronique retrouve la fragilité du jeu, du risque, de l’erreur. En cela, Live (LL01) n’est pas une compilation, mais un organisme sonore : un début, une promesse. Entre le geste DJ et la sculpture sonore, Lifted parvient à réconcilier deux mondes, la précision du studio et l’aléatoire du concert. Cet opus ouvre une série où la musique devient processus, une esthétique du flux qui rappelle que le plus beau dans le son, c’est souvent ce qui lui échappe.
