LP Escape from L.A.

Autoroutes fantômes et villes intérieures : « Escape from L.A. », de Matt Kivel

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Entre autoportrait et road movie mental, Escape from L.A. retrace trente-trois années d’errance et d’attache dans la Cité des Anges. Matt Kivel s’y révèle dans un cycle de chansons limpides, portées par la mémoire, la lumière du Pacifique et l’ombre des autoroutes

Après avoir traversé les scènes indie de Los Angeles, New York et Austin, Matt Kivel livre, chez Scissor Tail Records, son album le plus abouti : un récit musical qui transforme les souvenirs en paysages. Avec plus de vingt collaborateurs – dont Jana Horn, Bonnie “Prince” Billy et Robin Pecknold – Escape from L.A. évoque l’intime et le collectif, la fragilité des trajectoires et la beauté des déviations…

Autoroutes intérieures

Photo Matt Kivel
Matt Kivel DR

Kurt Vile chantait qu’il avait a freeway in mind ; Matt Kivel, lui, en a fait une conscience. Né à Santa Monica, façonné par les trajets infinis du 10, du 101 ou de la Pacific Coast Highway, il n’a cessé de chercher dans le bitume un miroir de soi. Après l’épopée d’un groupe prometteur (Princeton), la désillusion, puis une série d’albums solos d’une sobriété presque ascétique, il revient avec une œuvre ample, habitée, profondément cinématographique. Une Amérique filtrée par la mémoire. Enregistré entre Los Angeles, New York et Austin, Escape from L.A. a connu d’innombrables versions avant d’atteindre son équilibre. “My bootleg-as-hell Blood on the Tracks”, plaisante Kivel. Et pourtant, on y retrouve bien la même tension entre confession et clair-obscur. Tremblements d’autoroutes, secousses du tremblement de Northridge, éclat du glamour hollywoodien : chaque morceau éclaire une tranche de vie, une blessure, un instant suspendu entre désenchantement et grâce.

“The freeway doesn’t end, it just turns into another story.” — Matt Kivel

Le réel et l’imaginaire

Photo Matt Kivel
Matt Kivel DR

Les chansons convoquent un mythe en filigrane : celui d’une ville à la fois refuge et menace. On y croise un chien mourant, les échos du 11 septembre sur un écran de télé, les amours adolescentes à Venice Beach, ou la fin d’un groupe fauché par la montée d’une génération plus “Ivy League” (Vampire Weekend). On y entend aussi, plus loin, l’histoire du père, acteur dans The Natural aux côtés de Robert Redford – comme un point de départ inscrit dans le destin familial.

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Lumières de sortie. Produit avec Don Cento et magnifié par une instrumentation généreuse (cordes, pedal steel, synthés analogiques), l’album déploie un équilibre rare entre mélancolie et clarté. Le chant, plus direct, guide le récit avec une justesse nouvelle. Escape from L.A. ne cherche pas à quitter la ville, mais à la traverser, à en épouser les fantômes. À travers Escape from L.A., Matt Kivel transforme la nostalgie en route ouverte. Loin du mythe solaire californien, il compose un album sur la fuite et l’appartenance, sur ces paysages qui ne s’effacent jamais tout à fait du rétroviseur.

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