Syndrome, le deuxième album de Self Improvement, surgit des cendres de L.A. comme un manifeste sonore à l’ère du copier-coller. En répétition générale de la fin du monde, ce groupe angelin répond par le chaos ordonné d’un disque collectif et incandescent, aussi ancré dans le réel qu’irréductible à son époque
Post-punk contagieux, colère politique et balafres émotionnelles… Dans Syndrome, Self Improvement déploie une énergie punk renouvelée, nourrie de basses dansantes, de guitares acérées et de paroles lucides, portées par une voix entre douceur et hurlement. Écrit et enregistré dans un studio rescapé des incendies californiens, ce disque embrasse le passé tout en le détournant. Il interroge le rôle de l’artiste dans une époque saturée de simulacres. À travers des titres comme Settle Down ou Dissolved, le groupe affirme sa singularité : celle d’un collectif bruyant, perméable aux tensions du monde et viscéralement vivant.
Genre : je t’aime moi non plus

Le punk a souvent été un refuge pour les identités fragmentées, les colères sans cible fixe. Chez Self Improvement, c’est une matière vivante que l’on triture, déconstruit et recolle dans une logique de collage sonore. Si Syndrome évoque parfois Wire, No Wave ou Crass, il ne s’agit jamais d’un hommage figé. Plutôt un spectre mouvant, parfois dansant, souvent inquiet. Chaque chanson semble contenir sa propre contradiction, comme si l’album entier refusait d’être catégorisé. Résultat ? Une fresque musicale qui égratigne l’époque tout en lui rendant justice.
L’incendie comme studio d’enregistrement. L’album a été façonné dans un contexte aussi poétique que tragique : Wiggle World, le studio où il fut enregistré, a survécu de justesse aux feux de L.A. Et cette brûlure traverse le disque, ce n’est pas une métaphore. On sent les cendres dans les arrangements, l’urgence dans les rythmiques, la chaleur dans chaque distorsion. L’environnement s’invite dans les compositions comme un cinquième membre du groupe. Ici, il est question de réalité brute, pas de storytelling en kit : le chaos est documenté, pas fantasmé.
Chansons à corps perdus

Chaque morceau agit comme une scène de théâtre où les rôles s’échangent, se superposent. Sur Settle Down, les injonctions sociales faites aux femmes prennent la forme d’un ballet sonore tendu, où la voix de Jett Witchalls se fait tantôt furie, tantôt douceur. Les rythmes martelés de Reuben Kaiban et les lignes de basse de Pat Moonie forment un tapis mouvant, sur lequel la guitare de Jonny Reza découpe l’espace. Les titres Scam ou Dissolved illustrent parfaitement ce que peut être un groupe : un espace de tension, de négociation, d’écoute mutuelle. Un lieu politique.
Anti-formule à l’heure des formules… Dans un monde où la musique est souvent formatée, Syndrome joue contre son époque — sans nostalgie. Il ne s’agit pas de revenir à un âge d’or (qui n’a jamais existé), mais de construire autre chose. Avec l’aide du producteur Dylan Hadley et de l’ingénieur Spencer Hartling, le groupe explore des textures électroniques qui n’éteignent jamais la sueur du live. Des blips, des bruits parasites, des souffles : tout participe à faire exister le réel dans le mix. Ce que Self Improvement propose, c’est un modèle alternatif : celui du collectif, de l’imprévisible, du geste sincère dans un monde de simulations. Syndrome n’est pas un album qui demande qu’on l’écoute. Il s’impose, comme une évidence sonore dans un monde qui cherche encore sa voix.
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