Dans la continuité d’une scène britannique toujours en mouvement, Berwick livre avec Powerflip un disque tendu comme un arc, à la croisée de l’électro, du break et d’une énergie rave viscérale. Sorti sur Cyphon Recordings, label mancunien habitué aux secousses cosmiques, cet EP fait vaciller les murs du club autant qu’il affine les contours d’un son singulier : brut, nerveux mais taillé avec une précision chirurgicale
Basé à Bristol, résident de NOODS et cofondateur des soirées Somnamubla, Berwick façonne depuis plusieurs années un univers sonore où s’imbriquent tension, euphorie et science du groove. Avec Powerflip, il signe quatre titres qui creusent la matière électro dans toute sa densité : basses lourdes, percussions compactes, distorsions modulées à la main. Une approche live et artisanale, traversée par l’esprit rave d’hier et la clarté d’une production d’aujourd’hui.
Lignes sous tension
Berwick DR
Dès Fall & Melt, la pulsation s’impose. Un son électro nerveux, contemporain, propulsé par des kicks secs et une compression presque organique. Ce n’est pas seulement un morceau de club, c’est un espace. Celui où la lumière vacille, où le corps anticipe chaque break avant même qu’il n’arrive. Berwick y tisse ses couches sonores avec un sens du détail rare, les micro-distorsions qui respirent, les silences qui se chargent de tension, la basse qui s’étire comme un muscle. Le titre éponyme Powerflip explore le revers : un côté plus sombre, presque industriel, où la rythmique se cabre sous des nappes acides et des voix déformées. Ce morceau semble vouloir creuser la scène du dessous, celle qui tremble sous les pieds. On y retrouve la filiation du meilleur de la techno de Bristol — brute, mutante, non conformiste — mais filtrée par un instinct live, où les machines respirent, s’épuisent, s’allument à la main.
« Il y a une liberté incroyable dans l’électro : elle te laisse explorer sans forcément t’enfermer dans une esthétique. Tu peux jouer avec la vitesse, la tension, la texture. » – Berwick (RINSE FM 2024)
Accélérations contrôlées
Berwick DR
Impossible pousse plus loin le tempo, injectant une urgence quasi drum’n’bass dans l’ossature électro. Berwick ne cherche pas la propreté : il préfère l’instabilité du mouvement, la vitesse du corps en déséquilibre. Ce n’est plus seulement une track, c’est une trajectoire, une montée d’adrénaline où chaque rupture redéfinit le point d’impact. Pour conclure, Sam Lester détourne Powerflip vers un versant plus tech-house et hypnotique. Le remix simplifie la structure, ouvre l’espace, y fait circuler l’air. C’est comme si la matière initiale se recomposait après l’impact, sous une autre forme, plus minimale mais tout aussi nerveuse. Un contrepoint parfait, qui clôt un disque tendu de bout en bout sans jamais perdre sa cohérence. Berwick est un artiste à la croisée du club et de la recherche sonore, capable d’ouvrir des brèches dans la structure sans rompre le lien avec le dancefloor ; une trajectoire ascendante, dessinée à la main, entre acide et clarté.