LP Radical Apathy

Radical Apathy : à 16 000 km du cœur du son

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Né d’un aller-retour numérique entre Melbourne et Anvers, cet album signé Joe Seven et Darren White révèle une alchimie rare : celle d’une écriture électronique tissée à distance, mais vibrante d’un même souffle. Cinq années de dérives, de révisions, d’écoute patiente avec, au bout, une matière sonore qui semble avoir trouvé son centre sans jamais connaître de lieu

Entre séquenceurs analogiques, synthés hybrides et nappes filtrées à l’OB-6, Joe Seven et dBridge aka Darren White composent un disque de musiques électroniques où la distance se fait densité. L’espace entre eux devient musique : des textures modulées, des pulsations retenues, un groove spectral qui relie deux continents. L’album, paru le 31 octobre 2025 sur le label Exit Records, s’impose comme un enregistrement profond sur la persistance du lien créatif à l’ère post-studio…

Fragments d’un dialogue planétaire

Photo D-Bridge
D-Bridge DR

Tout commence entre 2019 et 2020. Joe est à Melbourne, Darren à Anvers. Ils échangent des fichiers Bitwig comme d’autres enverraient des cartes postales : des lignes de basse, des textures de pads, des rythmes en suspension. Les morceaux s’assemblent lentement, dans la lumière d’écrans séparés par dix mille miles. Ce qui aurait pu n’être qu’un exercice de style devient une conversation à distance, un échange de timbres et de silences. Machines complices, âmes connectées : leur grammaire commune s’écrit avec l’Elektron, le Sequential OB-6, le Korg Poly-800MKII et l’ASM Hydrasynth. À cela s’ajoute la palette infinie des pédales et un savoir-faire précis : filtrer, sculpter, désaturer. Chaque son semble avoir trouvé son juste grain, comme si la matière analogique compensait l’absence de contact humain. On perçoit dans ces textures une chaleur contenue, une humanité que l’écran ne parvient pas à étouffer.

« We were never in the same room, yet the tracks felt alive — as if the machines themselves had found a way to communicate ». – Joe Seven / « Collaboration has always been about trust. Distance doesn’t change that, it only refines how you listen ». – Darren White

Cinq ans plus tard, même fréquence

Photo Joe Seven
Joe Seven DR

Revenus sur ces pistes après plusieurs années, Joe à Londres, Darren désormais en Thaïlande, ils reprennent le fil. Les mixdowns se redessinent, les traitements analogiques resserrent le spectre. Et sans jamais se retrouver dans la même pièce, le disque s’achève. On y entend le passage du temps, les traces de ces allers-retours, la transformation des lieux en sons. La distance, ici, n’aura été qu’un autre instrument. Une esthétique de la résonance : il ne s’agit pas seulement d’un album de producteurs isolés. C’est la preuve tangible d’une relation esthétique — une connivence qui dépasse la géographie. « Despite a five-year gap between recording and release, the music came together seamlessly. It stands as proof of the creative connection we share, one that resonates both musically and aesthetically. » confie Joe Seven. On y croit sans peine : l’écoute révèle un fil invisible, vibrant d’une fraternité sonore. De la distance est née la présence. Et de l’absence, un souffle continu, discret mais tenace, celui d’une musique qui relie les mondes plutôt qu’elle ne les sépare.

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