Artcover du Ep Mutations

72™, le projet de Benjamin Cohen et d’Ulysse Genet révèle Mutations, un excellent premier EP

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72™, le projet se veut simple et ambitieux comme la bande son de la vie qui passe, à l’image de celle de Benjamin Cohen et d’Ulysse Genet. Ces deux garçons nés en 1972 présentent un premier EP prometteur : Mutations

Benjamin Cohen et Ulysse Genet se rencontrent à la fin de la décennie 2010 par l’intermédiaire d’un ami commun. La connexion est immédiate, ils décident de faire de la musique ensemble… Ils créent un label, TMS, comprenez “The Mind Speaks”, pour lequel ils produisent des morceaux aux titres cinématographiques : Vera’s Fish, 6 A.M., Rock Embassy et Lambert RIP. Sorti le 4 décembre 2021, Mutations révèle une délicieuse signature musicale, affinée dans un écrin de caractère. 72™ livre un magnifique premier EP, on savoure en attendant la suite !

72™, retour vers le futur

Le projet de 72™ ? C’est avant tout une bande son originale, celle de nos vies bien sûr, mais particulièrement celles de ces deux garçons nés en 1972, dont les quatre morceaux de leur premier EP, réalisés en plein confinement, ont la délicatesse des assaisonnements réussis. Leurs inspirations ? Hip-hop, ambient et techno, le duo cite volontiers Carl Craig comme référence. N’oublions pas ce touché français que les anglo-saxons nous ont tant jalousé à la fin des années 90, cette French Touch n’appartient d’ailleurs pas seulement à une époque, elle évolue avec nos vies et le temps qui passe…

Vera’s Fish ouvre le EP tout en souplesse. Sa mélodie sauce aigre-douce accueille une basse ronde et chaleureuse. Dans l’aquarium, on observe le poisson de Vera côtoyer des toutes petites bulles alors que le synthé acid surf sur le kick. Avec ses nappes lancinantes, sa voix calme et ses synthés doucement réverbérés, 6 A.M. semble invoquer l’instant où, en route pour l’after, on lâche ses potes afin d’apprécier seul·e le calme de l’aurore. Tout compte fait, direction l’after avec Rock Embassy, rythmique taillée au cordeau, basse organique, ritournelle planante, on danse… Le EP se termine avec Lambert RIP, un millefeuille ambient précis, épuré et savamment méditatif. Notez que l’ensemble est sublimé par le mastering d’Alex Gopher, autre personnage clé des musiques électroniques en France.

Photo du duo 72™
72™ © Geoffroy de Boismenu

72™, la conception

Leur méthode de travail ? Ils produisent chacun de leur côté puis construisent ensemble, tout en continuant d’apprendre à se connaître « J’avais besoin d’un dialogue après des années à faire de la musique tout seul », précise Benjamin Cohen, « le fait qu’on soit plus vieux maintenant, ça devient plus intéressant je trouve. Il y a moins d’ego, et les choses sont plus en faveur de la musique elle-même… ».

La conception de leur bande son ? Des mélodies et des sons en partie créés sur du matériel analogique… “Ces sons, ces sensations, ces émotions immatérielles se sont déposé·e·s dans les recoins obscurs de ces deux cerveaux, ces deux esprits, avant de parcourir leurs corps et de passer par leurs doigts, puis par les claviers et les instruments pour se transformer en sons qui, avec l’alchimie de la création, deviennent de la musique, et cette musique, c’est la bande originale de ces deux vies”. Benjamin Cohen & Ulysse Genet.

Photo de 72
72™ © Geoffroy de Boismenu

72™, Benjamin Cohen

Musicien, chanteur, Benjamin Cohen est à la fois la voix et le coauteur d’une chanson que chacun·e a déjà entendu : Music Sounds Better With You de Stardust, éphémère trio qui ne produira rien d’autre que ce tube mondial ! Il ne s’agit cependant pas d’un “one-hit wonder”, puisque chacun des membres fait carrière. Aux côtés de Benjamin Cohen, deux pointures des musiques électroniques, Thomas Bangalter (Daft Punk) et Alain Quême alias Alan Braxe. C’est à partir de là que Benjamin Cohen devient Benjamin Diamond et qu’il signe plusieurs albums solo dont Strange Attitude (Epic, 2000), et Out Of Myself en 2005 sur Diamond Traxx, son propre label.

72™ © Geoffroy de Boismenu

C’est également via son label qu’il produit un troisième LP, Cruise Control en 2008, et qu’il signe d’autres artistes : The Hushpuppies, Octet, The Eternals ou encore Pilooski. N’oublions pas deux compilations singulières et marquantes – Dirty Diamonds (2003) et Dirty Diamonds II (2004) – regroupant les artistes de la maison ainsi que les légendaires Suicide, Grace Jones, Moondog et Martin Gore (membre fondateur, écrivain et compositeur de Depeche Mode). En 2010, Benjamin décide d’arrêter le label Diamond Traxx pour voyager et se concentrer sur ses propres productions musicales, avec notamment son E.P. Amour Overdose (2013).

72™, Ulysse Genet

72™ © Geoffroy de Boismenu

L’autre moitié du duo passe plus de dix ans à New York en enchaînant les petits boulots, dont celui de livreur de weed… Avant son escapade américaine, Ulysse Genet travaille pour le distributeur de disques Chronowax à Paris. C’est notamment lui qui conçoit le logo du label Espionnage de DJ Mehdi, futur fer de lance de Rap français et producteur, entre autres, du groupe 113… Avec plus de trente ans de street art à son compteur, Ulysse est un vétéran du graffiti. Qui se souvient du “scandale” du tag de la station de métro Louvre en 1991 ? Alors âgé de dix-huit ans, ce fait d’armes lui vaut de passer près de trois semaines à la prison de Fleury-Mérogis avec ses deux complices, c’est la première fois que la France emprisonne des graffeurs !

Il ouvre ensuite Le Lab, un disquaire rue Condorcet (1992-1993) puis fonde en 1997 un collectif de graffeurs, « Grim Team », regroupant des artistes de France, mais aussi d’Italie, de Belgique et du Royaume-Uni. Un parcours dont on retrouve les traces avec Writers, 20 ans de graffiti à Paris – Writers 1983-2003, un film de Marc-Aurèle Vecchione. S’il collabore généralement avec des musiciens pour la partie graphique, il produit trois titres pour Rocca sur l’album Elevación (2001), Pour Être Un Homme, Affaire Personnelle et Sang Pitié.

Un duo de musique, mais pas seulement

L’ambition du duo ? Que leur projet ne soit pas uniquement musical, qu’il puisse être diffusé dans différents domaines artistiques. Si, comme le prolongement d’un instantané photographique, leur bande son reflète leurs réalités, leur projet se veut global : musique et images, avec un attrait pour l’art contemporain, tout comme leur logo sculpture en trois dimensions, inspiré par une œuvre de Martin Barré et réalisé par l’artiste Jay1 Ramier. Pourquoi avoir ajouté le sigle ™ à 72 ? Le duo revendique un geste esthétique, c’est néanmoins la signature de leur territoire artistique, leur marque… (ndlr, ™ = trademark, symbole généralement utilisé dans le commerce).

L’ambition artistique est déclinée jusqu’au choix du photographe. Le duo a sollicité Geoffroy de Boismenu, un artiste qui travaille « à l’ancienne », comprenez en argentique. Des choix clairement mûri, avec une volonté de ne privilégier que le concret, l’authentique, l’original, le tangible : « On porte aussi une attention particulière à la sortie de ce premier EP en vinyle, car on veut être dans le monde réel et pas seulement dans le monde virtuel (streaming, etc.) », explique Benjamin Cohen. « Et puis dans trente ans, on pourra toujours sortir nos vinyles, les mettre sur la platine et les écouter ».

Découvrez leurs aventures en images.

72™ © Geoffroy de Boismenu

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