Paru le 19 janvier 2024, Reading the Air est, depuis 1998, le premier disque solo de Jan Bang. Basé sur la voix c’est son album le plus pop
Compositeur, chanteur et musicien, l’artiste Jan Bang est connu pour ses albums mais également pour ses nombreux concerts en collaboration avec Jon Hassell, Sidsel Endresen, Tigran Hamasyan, Nils Petter Molvær, David Sylvian, Arve Henriksen, Eivind Aarset et Erik Honoré. Après une série d’albums instrumentaux et deux albums basés sur des chansons avec le projet collaboratif Dark Star Safari, Reading the Air est son premier disque solo basé sur la voix depuis 1998, et c’est un magnifique album !
Reading The Air
Construites autour de la voix de Bang, les compositions sont lyriques et persistantes, appuyées par des claviers et de l’électronique, mises en valeur par une équipe fantastique : les chanteurs Anneli Drecker (Bel Canto, Röyksopp, a-ha), l’artiste ECM Simin Tander et le jeune talent Benedikte Kløw Askedalen, le trompettiste Arve Henriksen, le joueur de duduk Canberk Ulaş, le percussionniste Adam Rudolph, le guitariste Eivind Aarset, le bassiste Audun Erlien et le batteur Anders Engen.
Reading the Air”est coproduit et mixé par Erik Honoré, partenaire musical de longue date de Jan Bang, et cofondateur du Punkt Festival. Il a également contribué aux synthétiseurs et écrit des paroles. Méditations ambiguës sur l’éphémère et la perte, l’album s’ouvre sur Nameless, une complainte obsédante et discrète écrite à l’origine pour le projet caritatif du musicien Bugge Wesseltoft en faveur du camp de réfugiés de Moria, en Grèce. Anneli Drecker chante cette histoire avec Jan Bang sur une base tendue fournie par la guitare d’Eivind Aarset, la batterie d’Anders Engen et la basse d’Audun Erlien, embellie par les sonorités duduk de Canberk Ulaş et les atmosphères d’Erik Honoré.
La chanson titre suit, racontant elle aussi une histoire de fuite, de ponts brûlés et de tables tournantes, centrée sur la phrase Reading the Air – une expression japonaise que l’on peut traduire par “sentir les sentiments de quelqu’un” ou encore “interpréter la situation sans mots”. Cette chanson est une combinaison subtile de pop et de poésie, avec Arve Henriksen, ami et collaborateur de longue date de Jan Bang, à la trompette. Burgundy est un contrepoint nettement plus sombre et statique, au flux léger et organique. Ici aussi, la base rythmique est assurée par le bassiste Audun Erlien et le batteur Anders Engen, enregistrés avec la guitare d’Eivind Aarset par l’ingénieur Johnny Skalleberg au cours de deux sessions qui se sont déroulées à cinq ans d’intervalle, en 2014 et 2019. Ce titre met également en scène Adam Rudolph aux percussions, et la voix multipiste de Jan Bang transmet un récit énigmatique sur le genre et les conflits.
Reading The Air
Le compositeur Bang et le parolier Honoré considèrent Food for the Journey comme la pièce maîtresse de l’album. Il s’agit d’une histoire de perte et de migration, mais avec un point de départ plus concret. Tant par le titre – un terme traditionnellement associé au dernier repas, la réception de l’Eucharistie – que par le chœur des sirènes enregistré en multipistes par Simin Tander. La seule reprise de l’album, Delia, tirée de l’album Mark Twain and Other Folk Favorites (1954) de Harry Belafonte, est écrite par Fred Brooks et Lester Judson. Cette chanson raconte également une histoire de perte et de départ, et dans l’arrangement de Jan Bang, évidemment très différent de l’original de Belafonte, le morceau devient une chanson lente et puissante qui célèbre et pleure l’amour ; interprété par Bang avec la chanteuse Benedikte Kløw Askedalen.
La majeure partie de l’album est organique et sonne parfois comme un “live in the studio”, mais la chanson War Paint, qui s’appuie sur des synthétiseurs, offre un contraste métrique. La chanson est inspirée par la toute dernière exposition du sculpteur et photographe norvégien Bård Breivik, où le visage de l’artiste a été décoré en signe de défi rituel à une maladie qui s’est finalement avérée impossible à défier. Ici aussi, la voix de Simin Tander offre un contrepoint chaleureux à la voix de Bang, et Arve Henriksen apporte une dimension de quatrième monde. Comme pour Delia, Winter Sings présente la nature comme un personnage et un soupçon de nostalgie : Certaines parties de la mélodie sont empruntées au tout premier enregistrement que Jan Bang ait jamais sorti, également avec Erik Honoré – un EP avec le quartet Woodlands. Une fois de plus, Canberk Ulaş apporte son duduk traditionnel, un instrument à vent arménien en bois d’abricotier.
La ballade The Cards est une belle tuerie, en duo avec Benedikte Kløw Askedalen, mène au psychédélique Cycle, où Jan Bang et Anneli Drecker sont les personnages principaux d’un film noir musical, chantant une descente dans un maelström rendu audible par les guitares d’Eivind Aarset. À la fin de la ballade piano/synthé No Paradise Lost, nous revenons aux métaphores asiatiques, mais cette fois-ci avec une certaine ironie : Les “fantômes affamés” du dernier couplet sont des créatures issues des mythologies orientales, animées par des désirs inassouvis en guise de punition pour des méfaits antérieurs… De punition il n’est cependant jamais question lorsque l’on écoute ce splendide album, joli et subtil coup de maitre, entre expérimentation et partition !