AI Photo by Carole Tagliaferri

Photographie : l’IA au service de l’émerveillement ?

16 min de lecture
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L’Intelligence Artificielle permet aux artistes de métamorphoser leur parcours créatif. Carole Tagliaferri, passionnée de photographie et de design, fusionne technologie, graphisme et poésie

Dans ce nouvel univers, le temps se dissout, l’image devient un langage qui invite les spectateurs à la contemplation et à l’évasion dans une émotion porteuse d’irrationnel. L’approche de Carole Tagliaferri illustre un basculement fondamental dans la manière dont nous percevons l’art et la technologie. En intégrant la puissance de l’IA au graphisme et à la poésie, elle interroge notre rapport au temps et à l’image, repoussant les frontières entre perception et imagination. Son travail soulève une question essentielle : l’art numérique, enrichi par l’intelligence artificielle, nous libère-t-il des contraintes du réel ou nous plonge-t-il dans une nouvelle forme de narration où l’émotion se réinvente ? À l’heure où la technologie façonne de plus en plus notre rapport au sensible, son œuvre invite à réfléchir sur l’avenir de la création artistique et sur la place de l’irrationnel dans un monde dominé par la logique et l’instantanéité.

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Interview

Loin des sentiers battus, l’approche artistique de Carole Tagliaferri marie l’Intelligence Artificielle à la photographie, au design et à une sensibilité poétique. Ce dialogue entre technologie et intuition questionne le réel pour offrir des visions où l’image devient un médium narratif, entre rêve et introspection. Chaque création est un fragment d’éternité où la lumière, l’ombre et l’instant ordinaire se réinventent en une expérience immersive. Son travail interroge notre rapport au temps et à la perception. Dans un monde où l’IA redéfinit l’acte créatif, l’artiste voit cet outil non comme une menace, mais comme un levier d’expression démultipliant les possibles. Peut-on encore parler de photographie ou d’art digital dans un cadre aussi mouvant ? Où s’arrête l’humain et où commence la machine dans l’acte de création ? En explorant ces questions, l’artiste cherche à faire de l’image une invitation à l’émerveillement, à l’abandon du rationnel au profit d’une contemplation plus libre, presque onirique. L’IA devient alors non pas une finalité, mais un prisme à travers lequel s’exprime un imaginaire fécond et intemporel…

Houz.Motik. La photographie interroge notre perception du temps et de l’image. L’IA propose une nouvelle forme de narration visuelle. Ira-t-elle jusqu’à transcender la photographie traditionnelle ?

Carole.Tagliaferri. Cette notion de « transcender » la photographie traditionnelle est interessante. La photographie capte une vérité brute, un instant figé, même s’il peut être poétique. Ce temps a existé. La photo est une empreinte de ce qui a été. L’IA, elle, ne cherche pas à supplanter cette vérité, mais à la réinventer, à l’élargir. Elle ouvre un espace où le réel et l’imaginaire se rencontrent, où les mots deviennent images et où le temps, la réalité, la vérité, perdent vraiment leurs repères. En tout cas, c’est ainsi que je vois mon travail. Parler de transcendance pourrait sous-entendre une supériorité. Or l’IA ne transcende pas la photographie traditionnelle, elle dialogue avec elle, elle la complète. Là où la photographie capture l’instant, l’IA construit une narration, un univers qui n’existe que dans l’esprit humain. Ces deux pratiques répondent à des besoins différents : l’une documente, l’autre imagine. Ensemble, elles offrent une expression plus large à celui qui les utilise (j’utilise les deux).

H.M. Dans un monde dominé par l’instantanéité et la logique, comment parvenez-vous à préserver la part d’irrationnel et de poésie dans vos créations numériques ? Avez-vous un protocole précis, un dogme artistique ?

C.T. Mon processus est guidé par un incessant va et vient entre une volonté première (ma vision de l’image souhaitée), le contrôle, le choix et le hasard. Il y a une part de rigueur, bien sûr : des centaines d’itérations, des ajustements, des retouches. Mais au-delà de ça, je laisse toujours une place à l’accident heureux, à un imprévu qui peut me surprendre. La poésie, pour moi, naît de ces moments où l’image échappe à la logique, où elle raconte quelque chose à la fois voulu, et inattendu. C’est la même chose avec un appareil photo ! Mon protocole, s’il existe, est celui du regard. Le mien : regarder l’image qui prend forme, regarder l’émotion qui va apparaître (ou pas !), travailler jusqu’à l’obtenir. C’est un dialogue avec la machine, et ma quête est une quête de beauté non parfaite.

H.M. Face à la prolifération de contenus produits par l’IA générative, comment distinguez-vous votre démarche artistique d’une production automatisée ?

C.T. L’IA seule est un outil qui exécute sans comprendre. Je vois beaucoup d’images qui ne génèrent aucun ressenti, rien. Ce qui distingue mon travail, je crois, c’est l’intention. J’ai la volonté de raconter une histoire, de transmettre une émotion. Chaque image que je réalise est le fruit d’un processus où je retravaille mes tentatives pour qu’elles reflètent ma sensibilité. Je ne cherche pas à produire pour produire ; je cherche à créer quelque chose qui sera le reflet de mes mots, de mon regard, de mon univers. Mon travail est une quête de poésie et de narration. J’effectue des retouches, j’ajoute des détails qui me sont propres, comme des aberrations optiques, du grain ou des flous de bouger. Ce sont ces interventions humaines, ces choix artistiques, qui donnent à mes créations, je pense, une âme et une singularité. En tout cas, je l’espère !

H.M. La fusion entre art et intelligence artificielle a ouvert une nouvelle ère de création… Selon vous, pose-t-elle des limites éthiques et esthétiques ? Doit-elle être limitée à l’acte artistique seul, et ne pas être utilisée dans la presse et dans les services d’information ?

C.T. L’IA est un outil. Puissant peut-être, mais un outil à disposition de l’Homme. Et comme tout outil, son usage dépend de l’intention qui préexiste ! Dans l’Art, elle est une alliée, un super vecteur d’exploration et d’innovation. Elle permet de repousser les limites de l’imaginaire, d’explorer des territoires visuels inédits. Mais dans des domaines comme la presse ou l’information, la frontière entre le réel et le fictif effectivement est déjà fragile, et l’IA peut brouiller davantage le message. Dans la médecine, par contre, ses apports sont déjà plébiscités. Plus globalement, concernant l’IA, la question n’est pas de savoir si elle doit être limitée à l’Art, mais de comprendre comment l’utiliser de manière responsable, comme toute innovation, et ce, dans tous les domaines possibles. De toute manière, il est inutile de vouloir la refuser. L’IA est déjà là. Dans mon travail, c’est un outil qui reste un moyen de nouvelle expression, pas une finalité en soi.

H.M. Pensez-vous que l’essor des technologies numériques modifie la façon dont le public interagit avec une œuvre d’art, notamment en termes d’émotion et de contemplation ?

C.T. Les technologies numériques ont permis une forme d’art plus accessible, mais elles introduisent aussi une forme de consommation rapide, superficielle. Mon défi, c’est de créer des images qui arrêtent le regard ou le scroll infini, qui invitent à une pause. C’est le retour que m’en font mes followers sur Instagram par exemple. Des images qui ouvrent à l’imaginaire de chacun. Je pense que, quel que soit le médium, l’émotion est la condition de toute forme d’art.

H.M. Les outils évoluent, mais il semble que « le public » veuille toujours présenter une image de lui via un processus pour « embellir » la réalité du moment. L’acte de représentation de soi se fera désormais avec l’IA ?

C.T. L’acte de représentation de soi est une quête ancienne, presque universelle, qui traverse les âges et les cultures. L’humain cherche à fixer son image, à la raconter, souvent à la sublimer. L’IA est un outil qui permet, c’est vrai, de créer des images idéalisées, quasi-parfaites, trop parfaites. Une perfection illusoire. L’IA peut embellir la réalité, mais à trop vouloir le sublime, on s’éloigne de ce qui fait pour moi la véritable beauté : son imperfection, sa fragilité, sa vérité. Selon Christian Bobin : « La beauté est une présence qui s’efface dès qu’on la nomme, une lumière qui fuit dès qu’on veut la saisir ». Pour conclure, je le répète ; je crois en l’humain, je crois en sa supériorité, je pense que l’IA sera (et est déjà !) un outil de notre quotidien. Mais que NOTRE intelligence, émotive, humaine, demeurera toujours supérieure à toute autre.

AI Photo by Carole Tagliaferri
AI Photo © Carole Tagliaferri

L’IA, un outil comme un autre ?

Dans l’art photographique assisté par l’IA, des choix stylistiques se font selon les inspirations et les intentions ; certains, tels que Barbuat & Simon Brodbeck, sont à mi-chemin entre la peinture et la photo quand d’autres, comme Boris Eldagsen, explorent le courant vintage. L’univers de la mode a vite compris qu’elle pouvait aussi y trouver son compte. Bien avant l’IA, au XIXe siècle, l’industrialisation des portraits-cartes de Disdéri et des productions de Nadar fait sensation – Nadar, le premier des photographes, documentaire de Michele Dominici – L’engouement du public pour l’ajout de flou, mais aussi de retouches et d’aquarelle, fait écho a un phénomène actuel : les selfies, les filtres et les stories/reels : « Peu importe le souci artistique, pour les contemporains de Nadar, l’important est que la technique soit au service de leur image ». L’IA générative accompagne à son tour « la représentation de soi », pour le meilleur comme pour le pire…

À Chaque évolution technologique ses opposants et ses adeptes. Sachez que la photographe de stars Annie Leibovitz y est favorable : « À chaque progrès technologique, il y a des hésitations, des inquiétudes. Il faut simplement franchir le pas et apprendre à s’en servir » dit-elle. Les inquiétudes ne sont pas anodines, particulièrement en matière de deep fake, de propagande ou de campagne de désinformation. La période actuelle voit, notamment pour la presse, un travail laborieux d’identification d’images de plus en plus précises, ainsi que des images du passé qui n’ont jamais existé. Pour le Dessous des Cartes, le photographe Arno Gisinger se pose une question : « pourquoi ne peut-on pas accepter le fait que l’on n’a pas d’images de tous les évènements ? » Faut-il alors comparer cette technique avec les peintures représentant des faits historiques ? Dans 1984, George Orwell écrit : « Dans des temps de tromperie généralisée, le seul fait de dire la vérité est un acte révolutionnaire ». Le photojournalisme restera-t-il un équilibre entre objectivité et subjectivité ? Témoin, narrateur et interprète, le photographe informe afin de susciter une réflexion. IA et déontologie ? Hormis des usages qui n’ont pas d’impact sur l’information délivrée au public, ce dernier doit évidemment être informé si un outil d’IA est utilisé dans la presse.

Fondateur de Houz-Motik, Cyprien Rose est journaliste. Il a été coordinateur de la rédaction de Postap Mag et du Food2.0Lab. Il a également collaboré avec Radio France, Le Courrier, Tsugi, LUI... Noctambule, il a œuvré au sein de l'équipe organisatrice des soirées La Mona, et se produit en tant que DJ.

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