Conçu dans la pénombre d’une chambre pendant des crises de POTS, All the Dead Melt Down as Rain est un disque qui vacille entre effondrement et lucidité, violence et léthargie ; une plongée dans le brouillard cérébral et la noirceur d’un quotidien qui tangue
Sous le pseudonyme Uboa, Xandra Metcalfe signe All the Dead Melt Down as Rain. Cet album cru et intime, qui oscille entre harsh noise, doom dépressif et nappes industrielles, traduit l’urgence de l’improvisation et les vertiges d’une maladie chronique. L’opus capture la perte de repères et la solitude des corps malades dans un monde qui tourne avec ou sans eux, et laisse entrevoir une ouverture vers l’empathie…
Comme un évanouissement dans un cauchemar

La POTS (Postural Orthostatic Tachycardia Syndrome), ce n’est pas simplement être fatiguée au quotidien, c’est voir son cerveau se vider de son sang, ses jambes vaciller, sa mémoire se dissoudre dans la buée ; être régulièrement au bord de la syncope. C’est entre ses moments de crises et de rémissions que l’artiste compose All the Dead Melt Down as Rain. Dans le flou des journées qui s’étirent, elle sculpte, retaille, et forme ce disque qui tient debout sur ses tremblements.
Des morceaux comme des sursauts : ces improvisations brèves, captées à la volée dans un épais brouillard, se transforment en drones massifs ou en déflagrations de bruit blanc. On y retrouve l’héritage de The Sky May Be et de The Origin of My Depression, ainsi qu’une approche plus rugueuse et plus directe. L’ultime piste, ré-imagination de Detransitioning, ferme la boucle en la laissant ouverte, comme une cicatrice qui ne se referme pas tout à fait.
« C’est comme s’évanouir dans un cauchemar pendant que tout le monde dehors a oublié que tu existes. » — Xandra
Entre doom dépressif et death industriel

Cet album n’est pas aimable. On y croise des nappes industrielles abrasives et opaques, des motifs doom étirés jusqu’à l’épuisement, et des passages de harsh noise prêts à tout raser. Le disque contient également des éclats de textures néo-classiques qui respirent un instant avant de replonger dans le tumulte. Cette musique peut ressembler à l’attente dans un lit, à la panique du cœur qui s’emballe sans raison, au vide qui dure des heures, alors que le monde continue de tourner sans vous.
All the Dead Melt Down as Rain est dédié à celles et ceux qui connaissent « l’horreur imprévisible et ennuyeuse de la maladie chronique ». L’album parle à voix basse, même quand le volume explose. Il laisse entendre que l’on n’est pas seul dans cette invisibilité, qu’il reste un espace à partager entre la honte de ne pas aller mieux et le besoin de continuer à créer, même lorsque le corps dit non… Ce disque dessine les contours d’un lieu où l’on transforme la douleur en matière vivante, c’est un filet de lumière fine sous la porte, une chambre où l’on attend que le monde nous revienne ; une oraison pour ceux qui ne peuvent plus sortir.
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