LP Vesper Sparrow

Entre la pause et l’envol, la nouvelle topophonie de JJJJJerome Ellis

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Avec Vesper Sparrow, JJJJJerome Ellis ouvre un territoire où le stutter devient geste musical, où l’héritage afro-caribéen se mêle aux pulsations électroniques, et où chaque silence porte la vibration d’un monde. Un disque qui explore le temps autrement, qui cherche ce qui se joue dans l’intervalle

Ce nouvel opus interroge le rôle de l’interruption comme force créatrice : peut-on écouter un temps fracturé ? Peut-on habiter une musique qui respire comme un corps ? Vesper Sparrow (Shelter Press, 2025), invite à se laisser glisser dans ces questions, entre orgue, saxophone, granularité, voix et souffle. Cet album de JJJJJerome Ellis étend le champ d’écoute, tout en ouvrant des perspectives, faire de la dis-fluence un espace commun, un lieu de rencontre plutôt qu’un obstacle

La grâce discrète de l’interruption

Photo JJJJJerome Ellis
JJJJJerome Ellis DR

Dès les premières minutes, Vesper Sparrow installe un territoire d’attente. Les grains électroniques, les vibrations du dulcimer, les blocs d’orgue, tout semble suspendu, comme si la musique gardait en réserve la phrase suivante. La stutter-pause devient présence. On y ressent la phrase de l’artiste « The stutter becomes a structuring moment« . Dans cet entre-deux, quelque chose bascule, on n’écoute plus la rupture, mais la lumière qui s’y dépose. Souffle, héritage, improvisation : Ellis avance comme on chemine, lentement, attentif, en laissant l’air décider de la trajectoire. Le poids du passé, la famille, l’église, les récits caribéens, infuse les lignes de saxophone. L’improvisation reste le cœur battant, elle ouvre l’œuvre vers l’inconnu, vers la fragilité assumée de chaque mouvement. Ici, le souffle devient mémoire, et l’instant un refuge.

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« The stutter can be a musical instrument. » — JJJJJerome Ellis

Traditions réagencées, futur en friche

Photo JJJJJerome Ellis
JJJJJerome Ellis DR

Aussi doux que radical, l’album juxtapose orgue liturgique, voix parlées, nappes électroniques, résonances granuleuses, percussions digitales. La liturgie et l’expérimentation ne s’opposent pas, elles se complètent, comme deux matières d’un même tissu sonore. Cette tension n’est jamais forcée, elle circule avec une élégance qui laisse entrer le mystère. C’est un gospel diffracté, un rituel contemporain. Vers une écoute au présent… L’une des clés du disque tient dans sa manière de réorienter le temps. Ellis parle de la différence entre être “on-time” et être “in-time”. Le disque, lui, choisit clairement le second. Il ne dicte pas une marche : il propose un rythme habitable. On y avance sans urgence, avec une conscience aiguë de ce que chaque note peut ouvrir. Une musique qui enseigne doucement à ralentir. L’labum Vesper Sparrow n’impose rien, il invite. À écouter autrement, à accepter l’écho autant que la note, la pause autant que l’élan. Une manière d’être au monde qui, sans bruit, élargit le champ du possible.

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Antoine Brettman est un bricoleur d'images et de sons... Son travail s'inscrit dans le courant de l’art vidéo par la réappropriation d'œuvres audiovisuelles, où il exploite la virtualité des images afin de confronter au monde réel son recyclage d'histoires.

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