Deux maîtres du son se rejoignent sur le label PRESSURE pour un double album split et radical. Implosion, de l’explorateur britannique du sound-system Kevin Martin (alias The Bug) et le prodige dub allemand Michael Fiedler (alias Ghost Dubs), est un voyage sonore sous-terrain, lent, obsédant, qui interpelle autant les néophytes curieux que les amateurs de basses extrêmes
Cet album se présente comme un pont entre reggae dub, ambiance industrielle et drone méditatif. Alternant les contributions de The Bug et Ghost Dubs, Implosion dessine un paysage sonore épuré mais terriblement dense, rares sont les morceaux qui cherchent la mélodie facile, la majorité se concentre sur la vibration, la texture, l’immersion. Pour les fans de bass-culture exigeants et pour ceux qui souhaitent découvrir un dub hors format, ce disque offre une porte d’entrée unique…
Des origines dans le vacarme et le silence
Kevin Martin a bâti sa réputation sur des basses monumentales et un travail sonore hors norme, après des débuts dans la noise-rock puis l’électronica (ICE, Techno Animal) avant que The Bug ne devienne son véhicule principal. Ses collaborations avec des artistes comme Fennesz, Earth ou Grouper ont étendu son champ d’action. Michael Fiedler, quant à lui, s’est construit dans la lignée sound-system et dub de l’Allemagne, avec l’alias Ghost Dubs et l’album Damaged (2024) comme première grande sortie internationale. Leurs chemins se croisent ici, avec Implosion, chacun amène son bagage : Martin, l’ombre des clubs londoniens, des sirènes, des systèmes qui grondent ; Fiedler, l’analogue, la finesse du dub et le lent déplacement d’air.
Architecture sonore et stratégie du split : l’un des choix les plus intrigants est la façon de structurer l’album. Au lieu de donner un côté à chaque artiste, l’album alterne les morceaux, créant une conversation entre deux approches. The Bug opte pour des textures industrielles, des beats martiaux, des basses qui semblent vouloir contourner l’oreille pour atteindre le corps Burial Skank, Alien Virus... Ghost Dubs, en revanche, élargit le spectre vers le dub-techno, l’espace flou, le drift lent In The Zone, Hope avec un soin formel qui déplace l’auditeur dans un état modifié. Résultat ? Un disque qui refuse la facilité, impose l’immersion, la patience.
« The split explores what Martin labels “spectral dub”… The looming inhuman wraiths that stalk the tracks, the cold industrial textures, menacing beats and warped echoes of sampled melody create a chilling and unforgettable ride. » — The Quietus (novembre 2025)
Ambiance, sensations, transmission
Sensoriellement, Implosion joue sur la densité de l’air, la vibration sous la peau, ce qui reste après l’écho. On est loin de la sociabilité joyeuse du dub roots ou du dancing clair-obscur du sound-system traditionnel. Ici le mood se veut tendu, introverti et assez cinématographique. Imaginez-vous allongé dans une salle semi-obscure, casque sur la tête, volume à peine modéré, et le mur de basse qui devient votre territoire. Chaque silence entre deux battements devient une part du monde du disque : « submerged in bass, and utterly crushed by bass ».
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Pourquoi ce disque compte ? Implosion explore le genre avec rigueur minimale et densité absolue. Les sources dub (Roots Radics, Black Jade, On U Sound) sont présentes mais bien transformées… Pour l’auditeur néophyte, ce disque peut être une entrée calibrée pour comprendre comment le dub contemporain se détache du « skank » traditionnel pour explorer l’espace, l’isolement, la texture. Il ne s’agit pas seulement de faire bouger les corps, mais de faire vibrer les os ! En vérité, Implosion n’est pas un disque qui s’impose, il se vit. Il demande l’écoute, l’abandon et, en retour, il offre une profondeur rare dans le paysage électronique. Allez-y, Plongez, remontez-lorsque vous serez prêt, et la basse vous rattrapera…
