Illustration Jazz signée Emilia Hasanova

Jazz : que se passe-t-il dans le cerveau lorsque les musiciens improvisent ?

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Martin Norgaard, professeur à la Georgia State University d’Atlanta, étudie l’impact de l’improvisation Jazz sur le cerveau. C’est passionnant, et loin d’être terminé

Professeur agrégé d’éducation musicale à la Georgia State University à Atlanta, Martin Norgaard étudie l’impact de l’improvisation jazz sur le cerveau. Pour cela, il collabore avec d’autres professeurs.  Neurosciences, mathématiques, informatique, ergothérapie et physique, ils étudient les processus cognitifs sous-jacents à l’improvisation, et aux applications thérapeutiques associées.

Louis Armstrong a déclaré : “Ne jouez jamais une chose de la même façon deux fois.” Bien que l’improvisation ne soit pas unique au jazz, c’est probablement l’élément le plus déterminant de ce style. Toutefois, en Jazz, les solos improvisés sont spontanés mais il existe des règles. Pourtant, si de grands improvisateurs, comme Charlie Parker, Miles Davis ou encore John Coltrane, donnent l’impression de ne pas faire effort, “l’impro” est une forme d’expression créative incroyablement complexe !

“Dans le jazz tonal, l’improvisation n’est pas libre, c’est toujours lié à la structure d’accord sur laquelle la mélodie est basée.”

Ça Jam dans le cerveau !

Que se passe-t-il dans le cerveau de ces musiciens quand ils composent et jouent simultanément ? “En tant que musicien, vous avez l’impression qu’il y a une différence dans le fonctionnement de votre cerveau lorsque vous improvisez”. Norgaard explique cela à un violoniste venu aux États-Unis pour étudier le jazz : “Vous exploitez toutes vos connaissances stockées, et les adaptez à une structure d’accord en temps réel.”

Tout en gagnant son doctorat de l’université du Texas à Austin, Norgaard a interrogé des artistes et des étudiants sur leurs pensées, lors d’improvisations. En outre, il a aussi analysé les solos de Charlie Parker, la recherche de motifs, et a demandé à des musiciens d’effectuer une tâche secondaire tout en improvisant.

Au printemps dernier, il s’est associé à Mukesh Dhamala, professeur agrégé de physique et d’astronomie. Ensembles, ils ont demandé à des musiciens de jazz avancés de chanter de la musique apprise, et improvisée. Pendant ce temps les musiciens ont subit une imagerie par résonance magnétique fonctionnelle, c’est-à-dire un test qui mesure l’activité de leur cerveau.

Résultat : dans cette étude, publiée dans Brain Connectivity, les chercheurs ont découvert une diminution de la connectivité cérébrale au cours de l’improvisation. Selon Norgaard, la conclusion n’est pas aussi surprenante que vous pourriez le penser…

Une partie du cerveau écoute l’autre ?

“Cette idée de “flux” est liée à la désactivation de certaines zones du cerveau”, explique Norgaard. Il ajoute : “il se peut que l’exécution d’improvisation engage un réseau cérébral plus petit, et plus concentré, tandis que d’autres parties se taisent.”

Dans son étude la plus récente, publiée en août dans le Journal of Research in Music Education, Norgaard examine l’effet de transfert lointain de l’improvisation. C’est-à-dire l’apprentissage de la musique dans l’instant affecte les autres capacités cognitives.

“Depuis près de trois décennies, les scientifiques ont exploré l’idée qu’apprendre à jouer d’un instrument était lié à la réussite scolaire. Pourtant, il existe de nombreux types d’apprentissage de la musique. Est-ce que le gamin qui apprend à l’oreille a les mêmes avantages que celui qui apprend le solfège, ou qui apprend à improviser ?” demande-t-il ?

Les chercheurs ont alors commencé par effectuer un test préliminaire. Pour cela, ils ont demandé à deux groupes du secondaire d’effectuer chacun deux tâches ; un groupe test la flexibilité cognitive, ou la capacité du cerveau à effectuer des tâches en alternance, alors que l’autre teste le contrôle inhibiteur, soit la capacité du cerveau à se concentrer sur les informations pertinentes, et à bloquer les informations non-pertinentes.

Flexibilité cognitive des enfants ?

Les collégiens jouaient, mais seuls quelques-uns étudiaient le jazz dans le cadre du programme Georgia State Rialto Jazz for Kids en Géorgie. Les chercheurs ont alors constaté que les étudiants de jazz avaient considérablement dépassé leurs pairs.

“Les enfants ayant une grande flexibilité cognitive sont-ils simplement attirés par le jazz ? Ou est-ce l’improvisation qui produit l’effet ?”, questionne Norgaard.

Ils ont ensuite demandé au directeur de l’école de diviser l’orchestre – 155 élèves de 7e et 8e années – en deux groupes. Chaque groupe a appris le jazz, mais seulement la moitié a appris l’improvisation. Après avoir passé les deux mêmes tests cérébraux, une formation d’improvisation a conduit à une amélioration significative de la flexibilité cognitive.

“Leurs partitions ont commencé à ressembler à celles des enfants qui avaient étudié le jazz depuis le pré-test”. Les améliorations ne sont apparentes qu’en 8e année, et les élèves de 7e année constatent une légère amélioration du contrôle inhibiteur.

“Il est difficile de dire ce qui fait la différence. C’est peut-être l’âge des enfants ou le nombre d’années passées à jouer d’un instrument”. Toujours selon Norgaard :“dans le futur, nous devrons déterminer si l’improvisation a des effets cognitifs différents en fonction de l’âge ou de l’expérience de l’élève.”

En attendant d’en savoir davantage, on vous conseille d’écouter l’excellent premier album du Rōnin Arkestra, dont on a récemment parlé.

Sources :
Georgia State University Research Magazine
Futurity
Étude originale

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